Sahara : le vertige algérien face à la nouvelle donne diplomatique

3 ساعات ago
Sahara : le vertige algérien face à la nouvelle donne diplomatique

Chouaib Sahnoun
Le dossier du Sahara occidental est en train de tourner à l’épreuve politique la plus déstabilisante pour le pouvoir algérien depuis la décennie noire. Ce qui fut pendant près d’un demi-siècle une cause identitaire, voire existentielle pour le régime militaire, semble aujourd’hui se déliter sous le poids des réalités diplomatiques, économiques et géopolitiques.
À Alger, le vertige s’installe. Car l’Algérie ne peut plus ignorer que la dynamique régionale et internationale penche désormais, sans ambiguïté, du côté du Maroc.
Depuis l’indépendance, la doctrine diplomatique algérienne s’est bâtie sur un double pilier : la défense des « causes justes » et l’opposition à toute hégémonie régionale, surtout marocaine. C’est au nom de cette posture que le pouvoir militaire a soutenu, dès les années 1970, la création du Front Polisario et revendiqué le « droit à l’autodétermination » du Sahara occidental.
Mais le temps a usé ce discours. L’argument idéologique d’hier ne résiste plus à l’épreuve du réel. Les capitales africaines, arabes et occidentales ne se laissent plus séduire par une rhétorique figée. Les ambassades s’ouvrent à Laâyoune et Dakhla, les partenariats économiques s’y multiplient, et les résolutions onusiennes évoluent désormais dans le sens d’une solution « réaliste, pragmatique et durable » , autrement dit, celle proposée par le Maroc à travers son plan d’autonomie.
Le Front Polisario, jadis vitrine diplomatique d’Alger, est devenu une ombre. Ses dirigeants, confinés dans les camps de Tindouf, peinent à mobiliser une jeunesse désabusée, tandis que leurs voix ne portent plus dans les forums internationaux. L’argumentaire marocain, fondé sur la stabilité, le développement et l’intégration régionale, a fini par rendre inaudible le discours séparatiste.
Le basculement diplomatique fut progressif mais implacable.
L’Espagne, ancienne puissance coloniale, a fini par reconnaître la pertinence du plan d’autonomie marocain. Les États-Unis, dès 2020, ont consacré la souveraineté du Maroc sur son Sahara. De nombreuses nations africaines et arabes ont suivi, ouvrant consulats et représentations dans les provinces du Sud. Même la France, longtemps prudente, semble glisser vers une reconnaissance implicite de la réalité territoriale.
Face à cette lame de fond, Alger s’est retrouvée isolée. Ses manœuvres au sein de l’Union africaine ou au Conseil de sécurité n’ont pas inversé la tendance. Ses alliés traditionnels, tels que l’Afrique du Sud, demeurent bruyants mais minoritaires. Le soutien de Moscou, quant à lui, reste purement tactique , plus motivé par des considérations de rivalité géopolitique avec l’Occident que par une conviction sur le dossier saharien.
Ce renversement diplomatique a un prix pour le pouvoir algérien.
D’abord sur le plan économique : les milliards dépensés pour entretenir la machine du Polisario, financer des campagnes d’influence et soutenir des réseaux de lobbying n’ont apporté aucun retour concret. Ensuite sur le plan interne : une partie de la population, confrontée à l’inflation, à la crise du logement et au chômage, s’interroge sur l’utilité d’un conflit dont elle ne perçoit plus ni le sens ni la finalité.
Le président Abdelmadjid Tebboune, prisonnier d’un système dominé par les généraux, n’a que peu de marges de manœuvre. Son discours, oscillant entre la fermeté et le déni, ne masque plus la lassitude d’un pouvoir en quête de légitimité. La diplomatie algérienne, autrefois respectée pour son professionnalisme, se voit aujourd’hui affaiblie par ses contradictions et ses postures de blocage.
De son côté, le Maroc a su transformer une question territoriale en levier de puissance régionale. En combinant fermeté souveraine et ouverture diplomatique, Rabat a fait du plan d’autonomie un socle de consensus national et international.
Le roi Mohammed VI, dans plusieurs de ses discours, a réitéré son appel au dialogue avec l’Algérie « sans conditions préalables » et « sans vainqueur ni vaincu ». Une proposition d’apaisement, invitant Alger à rejoindre la logique du partenariat et non plus celle de la confrontation.
Ce discours, loin d’être perçu comme une faiblesse, a renforcé la stature du Maroc sur la scène internationale. Rabat parle aujourd’hui d’égal à égal avec Washington, Bruxelles et Pékin, tout en consolidant ses alliances africaines. La stratégie d’intégration économique du Sahara , zones franches, infrastructures, développement portuaire conforte la crédibilité du projet marocain : celui d’un espace unifié, stable et tourné vers l’avenir.
L’expression est forte, mais elle traduit bien la réalité du moment.
L’Algérie, après des décennies de résistance diplomatique, semble condamnée à reconnaître de facto la prééminence du Maroc sur le dossier. Les récentes déclarations de responsables européens, africains et arabes confirment une forme d’alignement global sur la position marocaine. Même au sein des Nations unies, les équilibres ont changé : la solution du référendum d’autodétermination, autrefois dogme intangible, a disparu des discussions sérieuses.
Dans ces conditions, Alger n’a plus guère d’options. Elle peut s’enfermer dans un isolement coûteux, ou choisir de composer avec la réalité. Certains observateurs évoquent déjà des signaux timides d’ouverture, discrets mais réels, laissant entrevoir la possibilité d’un dialogue indirect sous médiation régionale.
Le conflit du Sahara n’a que trop duré.
Né d’une rivalité politique entre deux États frères, il a nourri pendant un demi-siècle les divisions, les malentendus et les rancunes, au détriment d’une union maghrébine toujours en jachère.
Aujourd’hui, l’Histoire semble vouloir refermer cette parenthèse.
Le Maroc, fort de ses succès diplomatiques, tient la clé de la paix régionale. L’Algérie, si elle choisit la lucidité plutôt que l’orgueil, pourrait encore jouer un rôle positif, en participant à une solution durable qui garantirait la dignité de tous.
Car au-delà des drapeaux et des postures, il s’agit du destin de tout un Maghreb que les frontières ont trop longtemps déchiré.
Et si le Sahara, après tant de conflits, devenait enfin le point de départ d’une réconciliation historique ?

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