Chouaib Sahnoun
Depuis cinq jours, le Maroc vit au rythme d’une contestation qui enfle et d’un climat social de plus en plus électrique. Dans les rues comme sur les réseaux, un sentiment diffus de révolte prend corps, porté par la Génération Z. Les signaux d’alerte se multiplient : débordements violents, tensions avec les forces de l’ordre, vandalismes, appels à la désobéissance. Face à ce tumulte, le gouvernement, dominé par une élite d’oligarques déconnectés, tente laborieusement de prôner «apaisement » et «dialogue ». Mais avec qui, et sur quelles bases, négocier quand le mouvement ne possède ni leadership clair, ni structures reconnues ?
Les scènes rapportées de plusieurs villes en disent long : axes routiers bloqués, bâtiments publics saccagés, jets de pierres contre la police, slogans incendiaires. Ce qui était au départ une colère spontanée et légitime contre l’exclusion sociale et le mépris institutionnel, menace de basculer en émeute. L’absence de cadres de discussion ouvre un boulevard à toutes les récupérations possibles. Déjà, certains aventuriers politiques flairent l’occasion d’exploiter cette énergie brute, quitte à dévoyer son essence.
Les stades, baromètres de la jeunesse marocaine, deviennent aussi caisse de résonance. Des groupes ultras de la Botola 1 appellent au boycott, preuve que la protestation dépasse la simple revendication pour s’ancrer dans le quotidien populaire. Or, au lieu d’anticiper, le gouvernement s’entête dans une communication cosmétique, multipliant les promesses creuses. Les mêmes visages de ministres et de notables fortunés se succèdent, incapables de parler à une génération qui ne croit plus en eux.
Dans l’opinion, un constat s’impose : seule une intervention royale directe semble aujourd’hui susceptible de restaurer un semblant de confiance. Beaucoup de jeunes estiment que la monarchie demeure leur dernier recours pour être entendus. Ce réflexe illustre à quel point la parole gouvernementale est discréditée.
Car derrière la colère, une fracture béante se dévoile : un pays gouverné par une minorité d’oligarques, coupée de la réalité des jeunes, qui n’a pas su offrir d’espoir, d’opportunités ni de perspectives à cette Génération Z. Au lieu d’un dialogue sincère, elle tente désormais de récupérer ce mouvement à des fins politiques, comme si l’on pouvait acheter le silence d’une génération avec des slogans de circonstance.
Le Maroc fait face à une question cruciale : laisser la rue devenir l’unique espace d’expression ou reconnaître enfin la jeunesse comme une force politique légitime. Tout report, tout mépris, ne fera qu’alimenter l’incendie social qui couve.
.Génération Z : quand la colère échappe aux mains des oligarques
