Chouaib Sahnoun
Dans une lettre intitulée « Lettre depuis ma prison : ne détournez pas le regard », l’écrivain algérien Boualem Sansal, détenu depuis plusieurs mois à la prison d’El-Harrach, dresse un réquisitoire sévère contre l’usage de la détention comme instrument politique en Algérie
« Ici, la prison n’est pas un lieu exceptionnel réservé aux criminels, mais un outil banal de gouvernance », écrit-il, accusant le pouvoir d’enfermer journalistes, militants et intellectuels pour servir « d’exemple » et maintenir la peur dans la société
Sansal, reconnu pour ses positions critiques et ses romans traduits dans de nombreuses langues, affirme que son seul « crime » est d’avoir cru au rôle salvateur de la littérature et d’avoir défendu l’idée d’un peuple digne et libre. Affaibli par la maladie, il estime que les autorités espèrent son effacement silencieux. « Ma voix, même enchaînée, ne leur appartient pas », assure-t-il
L’écrivain interpelle aussi la communauté internationale, et particulièrement la France, qu’il décrit comme sa « deuxième patrie », en l’exhortant à ne pas sacrifier les principes démocratiques au profit d’intérêts économiques ou sécuritaires. À ses compatriotes, il adresse un appel à « tenir bon », rappelant que « la peur est une prison plus vaste encore que la sienne » et que « les dictateurs finissent toujours par tomber
Le régime algérien, régulièrement accusé par les organisations de défense des droits humains de réprimer l’opposition et de réduire l’espace des libertés, n’a pour l’heure pas réagi à la publication de cette lettre. Mais le silence officiel contraste avec la portée symbolique de ce témoignage, qui souligne à quel point la prison est devenue, selon Sansal, un rouage ordinaire du système politique