Chouaib Sahnoun
Dans un paysage footballistique souvent marqué par les cycles courts et les désillusions, le Maroc fait figure d’exception. Selon le classement FIFA d’octobre 2025, les Lions de l’Atlas conservent leur 12ᵉ place mondiale, confirmant une régularité remarquable depuis leur épopée au Mondial 2022. Une performance qui ne relève pas du hasard, mais du résultat d’une politique sportive désormais structurée et d’un projet national assumé.
Sous la houlette de Walid Regragui, la sélection marocaine a su maintenir un équilibre délicat entre continuité et renouvellement. Premier représentant africain devant le Sénégal et l’Égypte, le Maroc devance des nations à l’histoire plus fournie, à l’image de la Croatie, qu’il talonne de près. Ce positionnement traduit une maturité tactique et une discipline rarement atteintes par les sélections du continent.
Le succès des Lions de l’Atlas s’inscrit dans une dynamique de fond amorcée bien avant le Qatar 2022. La Fédération royale marocaine de football (FRMF) a investi massivement dans la formation, les infrastructures et la détection des talents issus de la diaspora. Le Complexe Mohammed VI de Maâmora, fleuron du football africain, illustre cette volonté d’allier modernité et vision à long terme.
Mais au-delà des moyens, c’est la culture de la performance qui s’est installée. En se hissant durablement dans le Top 15 mondial, le Maroc a cessé d’être une surprise pour devenir une valeur sûre, un modèle de gestion et de cohérence sportive.
Cette 12ᵉ place n’a rien d’anecdotique. Elle pourrait offrir au Maroc une position favorable dans le pot 2 lors du tirage au sort du Mondial 2026, prévu aux États-Unis, au Mexique et au Canada.
Ce statut lui permettrait d’éviter plusieurs géants du pot 1 (Argentine, France, Brésil, Espagne…), tout en conservant la possibilité de croiser une grande nation dès la phase de groupes.
Un tirage équilibré ,par exemple avec le Canada, le Qatar et la Nouvelle-Zélande , pourrait ouvrir la voie à un parcours plus serein. Mais Regragui et ses joueurs savent que la réussite dépendra avant tout de leur capacité à confirmer leur rang sur le terrain, loin des calculs de classement.
Le Maroc aborde la Coupe du Monde 2026 avec une double exigence : confirmer et grandir. L’épopée de 2022 a bouleversé les attentes d’un pays où le football est désormais perçu comme un symbole de puissance et de reconnaissance internationale.
Les supporters, eux, ne se contentent plus d’une participation honorable : ils espèrent un nouveau parcours historique, voire une présence parmi les huit meilleures nations du monde.
Cette attente, si légitime soit-elle, constitue un fardeau supplémentaire pour une équipe encore en reconstruction, cherchant à intégrer une nouvelle génération de talents tout en préservant la cohésion du groupe.
Figure respectée, Walid Regragui reste l’incarnation d’un football marocain décomplexé, ambitieux et réfléchi. Mais derrière les résultats, certains observateurs pointent un risque d’essoufflement : un jeu parfois trop prudent, une dépendance aux individualités, et une difficulté à renouveler l’élan collectif de 2022.
Le sélectionneur, lucide, sait que le Maroc ne sera plus jugé sur la surprise, mais sur la confirmation. C’est peut-être là le plus grand défi de son mandat : transformer l’exploit en habitude, sans perdre l’âme d’une équipe qui a su inspirer tout un continent.
En se maintenant au sommet, les Lions de l’Atlas portent désormais une responsabilité collective : celle de prouver que l’Afrique peut durablement s’imposer dans le concert des grandes nations.
Le Maroc, fort de ses infrastructures, de son encadrement et de son vivier de talents, a les moyens de transformer ce rêve en réalité. Reste à savoir si, en 2026, l’histoire se répétera,ou si elle s’écrira autrement.
