Chouaib Sahnoun
Au large de Ceuta , Sebta pour les Marocains , la mer est devenue un tombeau sans nom. Chaque semaine, des jeunes Marocains tentent de rejoindre à la nage l’enclave espagnole depuis Fnideq, distante de quelques centaines de mètres à peine. Mais cette traversée dérisoire se transforme en piège mortel : les courants puissants et les eaux agitées engloutissent des vies à répétition
Sur la frontière, les familles s’entassent, brisées par l’attente et l’incertitude. La Garde civile espagnole, débordée, avoue son incapacité à gérer l’afflux de drames. Les morgues de Ceuta sont saturées, d’autres corps sont retrouvés méconnaissables, tandis que beaucoup demeurent à jamais prisonniers des abysses. Les rêves d’un avenir européen, à portée de main, se brisent en silence, noyés dans une mer devenue cimetière
Mais ces morts ne sont pas des fatalités. Ils sont le résultat de choix politiques
L’Europe, en érigeant des murs et en multipliant les barrières, pousse les candidats à l’exil vers des routes toujours plus périlleuses. Ses politiques migratoires restrictives fabriquent une frontière sanglante, où chaque vague devient une arme silencieuse
L’Espagne, en première ligne, se contente de compter les morts et de patrouiller, sans jamais interroger la logique de ce système absurde
Le Maroc, enfin, porte une responsabilité écrasante. Incapable de garantir à sa jeunesse des perspectives d’avenir, il laisse partir ses enfants dans une fuite tragique. Pire encore, il participe au marchandage migratoire avec l’Union européenne, transformant la souffrance de ses jeunes en monnaie d’échange diplomatique
Ceuta n’est pas seulement un drame humain : c’est le miroir d’une faillite collective. L’indifférence des autorités, le silence des institutions, et la résignation des opinions publiques alimentent cette hécatombe qui s’installe dans la banalité
Mais il n’est pas trop tard pour agir
Il faut briser ce cycle. Réformer en profondeur les politiques migratoires européennes, qui criminalisent la mobilité au lieu d’organiser des voies légales et sûres. Le Maroc, de son côté, doit cesser de détourner le regard et investir réellement dans l’avenir de sa jeunesse au lieu de la condamner à l’exil forcé. Enfin, la société civile ,associations, médias, citoyens ,doit continuer à dénoncer, témoigner et mettre la pression pour que ces morts cessent d’être réduits à des statistiques
Chaque cri d’une mère, chaque larme d’un père, chaque cadavre rejeté par la mer est un appel à la responsabilité. L’histoire jugera sévèrement les États qui auront laissé une génération se noyer aux portes de l’Europe
La Méditerranée n’a pas vocation à être un cimetière. Elle doit redevenir un espace de vie, d’échanges et d’avenir