Budget 2026 : 140 milliards pour la santé et l’éducation… mais combien pour la dignité

ساعتين ago
Budget 2026 : 140 milliards pour la santé et l’éducation… mais combien pour la dignité

Chouaib Sahnoun
Le gouvernement brandit un chiffre qui claque comme une promesse : 140 milliards de dirhams pour la santé et l’éducation. Un record, dit-on, un tournant historique, souffle-t-on. Mais dans un pays où l’on meurt encore faute de soins et où des classes entières s’effondrent sous le poids de la misère éducative, les chiffres ne sont plus des preuves : ils sont devenus des refuges politiques.
Chaque automne, le Projet de loi de finances se présente comme une liturgie budgétaire. On parle en milliards, on promet des réformes, on salue « la vision royale ». Mais sur le terrain, les mêmes hôpitaux manquent de seringues, les mêmes écoles manquent de profs, et les mêmes familles manquent d’espoir.
140 milliards, c’est colossal sur le papier. Mais à quoi sert un record si le malade n’est pas mieux soigné, si l’élève n’est pas mieux formé, si le citoyen ne sent pas la différence ? Le Maroc souffre moins d’un manque d’argent que d’un gaspillage structurel, d’une inertie administrative et d’une absence de reddition des comptes.
On peut bâtir des CHU flambant neufs à Agadir, Laâyoune ou Rabat, mais si l’on continue à tolérer l’absentéisme médical, la corruption douce et le clientélisme dans les recrutements, la modernité restera une façade.
Une lectrice, excédée, résumait crûment la réalité : « J’ai vu une docteure s’essuyer les mains avec le rideau. Des patients meurent à cause des rendez-vous trop tardifs. » Tout est dit.
Il ne suffit pas de lancer des appels d’offres ou d’acheter des scanners pour soigner une politique publique malade de son opacité. Ce qu’il faut, c’est un sursaut moral, une inspection impitoyable et une sanction réelle des fautifs. Tant que le citoyen n’aura pas confiance dans son hôpital public, la santé ne sera qu’un chapitre comptable.
Le Maroc consacre désormais des milliards à l’éducation, mais continue à produire des générations inégalement armées face à la vie. Dans les discours, on parle d’« accélération de la réforme » ; dans les faits, les classes surchargées, les manuels obsolètes et les enseignants précaires composent la triste symphonie de l’école publique.
Pendant ce temps, les élites se tournent vers le privé, scellant un système à deux vitesses : celui de la promesse pour les uns, et de la survie pour les autres. C’est toute la crédibilité de l’État social qui s’effrite dans cette fracture silencieuse.
La revalorisation des allocations familiales ,50 à 100 dirhams par enfant , est présentée comme un progrès social. Mais face à une inflation galopante, cela tient davantage de l’aumône que de la justice. Le Maroc ne manque pas de plans, il manque de volonté politique pour en évaluer les résultats.
On parle de « développement territorial intégré », de « Maroc émergent », de « solidarité entre régions ». Des formules séduisantes, mais la réalité des montagnes, des oasis ou des douars oubliés reste inchangée : le Maroc émergent n’émerge pas partout.
Il est temps que la dépense publique cesse d’être un exercice de communication et devienne un instrument d’équité.
Le Maroc a les moyens de sa transformation, mais pas encore le courage de ses réformes. Tant que les ministères continueront à fonctionner comme des fiefs, tant que les gestionnaires ne rendront de comptes à personne, les milliards s’évaporeront dans la bureaucratie comme l’eau dans le sable.
Au fond, la vraie réforme n’est pas budgétaire, elle est morale.
C’est celle qui osera briser le confort des habitudes, bousculer les hiérarchies figées et replacer l’humain au centre.
140 milliards ne feront pas le miracle : seule une gouvernance courageuse, honnête et transparente le peut.

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