Chouaib Sahnoun
L’audience de jeudi, au tribunal de Casablanca, devait éclairer un pan de l’affaire dite « Escobar du Sahara », vaste dossier mêlant trafic international de stupéfiants, réseaux d’influence et figures du football marocain. Mais l’audition du gendre de Saïd Naciri, ancien président du Wydad de Casablanca, a surtout renforcé les doutes du tribunal. Loin d’apporter des réponses, le témoignage de cet ex-membre des Forces auxiliaires, aujourd’hui à la retraite, a révélé une série d’hésitations, de contradictions et de revirements.
Le juge Ali Tarchi, qui préside la formation, a interrogé le témoin sur un épisode central : la présence de véhicules suspects dans l’enceinte du complexe Mohammed Benjelloun, siège du Wydad.
Selon les déclarations du baron malien considéré comme le principal accusé, ces voitures lui appartenaient et auraient été laissées sur place à l’époque où Naciri dirigeait le club.
Confronté aux images de ces véhicules, le gendre de Naciri a d’abord affirmé n’en rien savoir, avant de reconnaître certaines marques… puis de se rétracter. Ce flou a poussé le président du tribunal à lui rappeler la portée de son serment de vérité et les sanctions prévues en cas de faux témoignage.
Les incohérences se sont accumulées au fil de l’audition. Devant le juge d’instruction, le témoin avait reconnu occuper le poste de directeur du complexe sportif du Wydad, chargé de la gestion administrative et du personnel. À la barre, il a changé de version, se décrivant comme un simple aidant occasionnel auprès de son beau-frère.
L’intéressé a juré ne jamais avoir perçu de salaire du club, tout en admettant avoir reçu de Saïd Naciri des versements allant jusqu’à 4 000 dirhams, sans contrat ni justificatif.
L’audience a brièvement abordé la villa californienne de Naciri, devenue un symbole du luxe ostentatoire entourant cette affaire. Le gendre a prétendu n’y être jamais allé, tout en reconnaissant en avoir entendu parler. Une réponse jugée évasive par la Cour, qui y a vu un nouvel indice d’un témoignage à géométrie variable.
Incarcéré depuis plusieurs mois, Saïd Naciri a, pour sa part, cherché à minimiser le rôle de son gendre. Il a affirmé que ce dernier n’était pas présent lors des événements liés aux véhicules litigieux en 2013. Mais cette ligne de défense, répétée depuis le début du procès, peine à dissiper les zones d’ombre d’un dossier où se croisent football, argent et trafic international de drogue.
L’affaire « Escobar du Sahara » dépasse largement le cadre sportif. Elle met au jour des connexions troubles entre le milieu du ballon rond, le pouvoir économique et les circuits du narcotrafic saharien. Chaque audience semble ouvrir un nouveau chapitre, où les témoins oscillent entre prudence et incohérence, et où le tribunal s’efforce de démêler les fils d’un réseau tentaculaire.
Affaire « Escobar du Sahara » : le gendre de Saïd Naciri embourbé dans ses contradictions devant la Cour
