Chouaib Sahnoun
Malgré des frais de visa jugés prohibitifs et un taux de refus toujours préoccupant, les Marocains continuent d’afficher une fidélité sans faille à l’Europe. En 2024, près de 600.000 visas Schengen ont été délivrés à des ressortissants marocains, confirmant une tendance de fond : l’attractivité persistante du Vieux Continent, même au prix d’un véritable parcours du combattant administratif et financier
La facture totale des demandes de visa Schengen a franchi un cap historique : 100 milliards de centimes marocains (près de 90 millions d’euros) ont été dépensés par les demandeurs en 2024. Une somme qui suscite de plus en plus de critiques, tant au sein de la société civile que parmi certains acteurs politiques
Aujourd’hui, le coût moyen d’un visa Schengen atteint 120 euros : 80 euros de frais consulaires, auxquels s’ajoutent environ 25 euros de frais de services (prestataires privés comme TLS Contact ou VFS Global). Un tarif que beaucoup jugent excessif, opaque et injustifié, surtout en cas de refus
L’une des principales doléances reste l’absence de remboursement des frais en cas de rejet du dossier. Un paradoxe : les consulats européens continuent d’engranger des recettes, même lorsqu’aucun visa n’est délivré. Ces pratiques sont dénoncées comme étant abusives, voire discriminatoires. Les ambassades justifient ces montants par la mobilisation de ressources humaines et techniques nécessaires à l’instruction des dossiers, quel que soit le résultat
Mais pour de nombreux observateurs, ces explications ne tiennent plus. Dans un contexte où les taux de refus sont souvent supérieurs à 40 %, une part non négligeable des 100 milliards de centimes provient de dossiers rejetés. Une rente discrète mais massive, qui alimente les budgets des ministères européens, sans réelle transparence ni obligation de résultat
Face à cette situation, des associations, des collectifs citoyens et certains élus appellent à une réforme urgente du système. Ils demandent notamment une réduction des frais consulaires pour ramener le coût global du visa à environ 50 euros, un prix jugé plus raisonnable et équitable
Ces mêmes voix exhortent également le ministère marocain des Affaires étrangères à intensifier son plaidoyer auprès de partenaires européens comme la France, l’Espagne ou l’Italie, en raison des liens diplomatiques étroits qui unissent Rabat à ces capitales. L’objectif : obtenir un geste symbolique et politique, qui pourrait ensuite être étendu à d’autres pays membres de l’espace Schengen
Ce débat met aussi en lumière une autre réalité : l’Europe n’applique pas les mêmes règles à tous. Alors que certains pays bénéficient d’assouplissements, de gratuités ou de procédures simplifiées, les demandeurs marocains ,pourtant parmi les plus nombreux ,continuent de faire face à une bureaucratie rigide, coûteuse et inéquitable
Malgré ces obstacles, les Marocains persistent à demander le visa Schengen en masse. Pour des raisons professionnelles, familiales, médicales ou simplement pour voyager, l’Europe reste une destination de référence. Mais cette fidélité a un prix, et il devient de plus en plus difficile à justifier
Dans un monde où les discours sur la mobilité, l’équité et les partenariats stratégiques se multiplient, la réalité du visa Schengen pour les Marocains apparaît comme un symbole de défiance, voire d’injustice. L’heure est peut-être venue pour l’Union européenne de faire un geste fort. À défaut, elle risque de voir grandir une amertume durable chez ceux qui, année après année, continuent de frapper à sa porte