Chouaib Sahnoun
Le chercheur en politiques publiques Ayoub Radouani a révélé plusieurs données impliquant la responsabilité d’Aziz Akhannouch et de son gouvernement dans la crise ayant conduit à l’annulation du sacrifice de l’Aïd cette année, après la perte de centaines de milliards, nécessitant des comptes à rendre.
Dans un post sur son compte officiel le 17 avril 2023, Radouani rappelle qu’Akhannouch avait rencontré les professionnels de la filière viande, en présence de l’ancien ministre de l’Agriculture et du ministre des Finances, Fouzi, annonçant des “mesures d’urgence pour rééquilibrer la filière des viandes rouges et reconstituer le cheptel national à court terme”.
Moins d’un mois plus tard, lors de la 15ᵉ édition du Salon International de l’Agriculture de Meknès (2 au 7 mai 2023), l’État signe des accords d’une valeur de 14,45 milliards de dirhams (1 445 milliards de centimes) pour le développement de la filière des viandes rouges. Les professionnels ont contribué à hauteur de 670 milliards, tandis que l’État a injecté 775 milliards de centimes. Parmi les objectifs : améliorer la productivité du cheptel et atteindre 850 000 tonnes en 2030, contre 600 000 tonnes en 2020. Radouani ajoute : “À l’époque où nous étions autosuffisants sous les commerçants de la religion, vous vous en souvenez, n’est-ce pas ? Remarquez que ces accords ont été signés après trois années de sécheresse. Nos ministres étaient parfaitement conscients du précipice, mais la magie du printemps du ‘Zarka Laf’ opérait encore”.
Ce jour-là, tout le monde clamait le slogan de la souveraineté alimentaire, encore sous l’effet de la fièvre post-Covid. Un an plus tard, poursuit Radouani, “le ministère de l’Agriculture ouvre l’importation d’un million de têtes de moutons pour alléger les prix pour les citoyens. Les chanaqa (intermédiaires) sont alors informés par leurs contacts qu’une opportunité de subventions s’offre à eux. 50 milliards de centimes ont été alloués à dix grands chanaqa, dont quatre dans la région de Rabat-Kénitra, pour importer du bétail, sans aucun effet ni sur le prix des moutons de l’Aïd ni sur celui de la viande, oscillant toujours entre 110 et 150 dirhams”.
Entre octobre 2023 et octobre 2024, “les grands chanaqa ont gagné 200 milliards de centimes grâce aux exonérations fiscales et douanières sur les importations de bétail et de viandes congelées”, alors que le gouvernement prétendait vouloir stabiliser les prix et renouveler le cheptel national. Mais aucun effet concret n’a été observé.
En deux ans, 1 000 milliards de centimes se sont volatilisés à travers des programmes, subventions et exonérations fiscales, alors que le prix de la viande reste supérieur à 120 dirhams le kilo. Le cheptel a perdu 13 millions de têtes entre 2021 (31 millions) et 2024 (18,125 millions).
Cette année encore, malgré un doublement des subventions et des exonérations fiscales, et malgré la découverte du marché australien où le kilo coûte entre 12 et 20 dirhams, les chanaqa misaient sur un scénario pire que l’an dernier : des moutons entre 6 000 et 8 000 dirhams, et un prix du kilo de viande après l’Aïd entre 150 et 200 dirhams. Quiconque conteste cela reçoit les mêmes excuses éculées : Covid, changements climatiques, conflits géopolitiques. “Réfute-les si tu peux !”, ironise Radouani.
Mais d’où est venu le salut ? Comment le cycle de vol et de pillage du peuple a-t-il été interrompu ? Par une décision politique : celle de l’autorité religieuse et politique d’exempter les citoyens du sacrifice de l’Aïd, mettant temporairement fin à cette spoliation légitimée par la religion. Est-ce suffisant ? Non, répond Radouani. “Lever la pression sur le peuple ne fait que stopper superficiellement l’hémorragie. Car la stabilité au Maroc repose avant tout sur celle des prix ! Mais la réalité est la suivante : il y a un fossé entre ce qui est et ce qui devrait être”.
Il insiste : “Ce qui devrait être, c’est une intervention radicale, une refonte complète des règles du jeu, permettant au peuple de reprendre le contrôle de ses institutions, de juger ses voleurs, et de ne pas se contenter du rituel habituel : dès que ça pue, on écarte quelqu’un et on passe à autre chose !”
“Avant et après cette interdiction ‘bienveillante’ du sacrifice de l’Aïd, des milliers de milliards de centimes ont disparu des caisses publiques, et des centaines de milliards d’investissements des éleveurs se sont évaporés. Qui tient les coupables pour responsables ? Qui rembourse les caisses de l’État ? Qui compense la perte des éleveurs ? Qui juge celui qui a dilapidé 132 milliards de dirhams dans le ‘Plan Maroc Vert’ et 110 milliards dans ‘Génération Verte’, pour qu’au final nous nous retrouvions incapables d’acheter un mouton pour l’Aïd, alors que nous avons les moyens d’organiser la CAN et la Coupe du Monde ?!”, conclut Radouani.