
Chouaib Sahnoun
Il existe des scènes parlementaires qui, bien au-delà de la gravité des sujets débattus, s’imposent dans la mémoire collective tant elles oscillent entre le tragique et le burlesque. La dernière séance consacrée à la question explosive de la participation électorale des personnes poursuivies , pourtant présumées innocentes ,en est la preuve éclatante.
Ce qui devait être un échange institutionnel sérieux a viré au pugilat verbal. Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, fidèle à son style brouillon et inflammable, s’est violemment heurté à un député du Parti de la justice et du développement (PJD). En quelques secondes, la tension a explosé, transformant l’hémicycle en ring improvisé.
Le clash a pris une telle ampleur que le président de séance, socialiste, et visiblement dépassé, a ordonné l’expulsion manu militari du député. Les agents de sécurité ont dû intervenir pour maîtriser l’élu qui, en pleine crise de nerfs, continuait d’hurler et de gesticuler sous les regards ahuris de l’assistance. Une scène digne d’un mauvais théâtre politique, mais tristement révélatrice d’un malaise plus profond.
Dans les rangs du PJD, l’indignation a été immédiate. Certains responsables ont même envisagé de porter plainte contre le ministre, tant l’incident paraissait irrespectueux de la dignité parlementaire. Puis, comme souvent dans les coulisses feutrées du pouvoir, une médiation express aurait calmé les ardeurs. Résultat : Ouahbi a présenté des excuses au député, aux présidents des groupes parlementaires et au président de séance, reconnaissant des écarts de langage contraires au sérieux que requiert son poste.
Mais faut-il s’en étonner ?
Abdellatif Ouahbi traîne derrière lui une réputation bien installée : celle d’un ministre adepte des dérapages, des saillies incontrôlées et des sorties médiatiques qui font plus de bruit que de réformes. Ancien militant habitué aux tribunes de meetings et aux escarmouches verbales, il peine encore à délaisser le ton agressif de la rue pour adopter celui, mesuré, d’un responsable d’État.
Au Parlement, il confond trop souvent le pupitre avec une estrade de protestation. Sa parole fuse, brutale, parfois vulgaire, et contourne allègrement les règles élémentaires du savoir-parler politique. Résultat : là où l’on attend un ministre de la Justice, c’est un tribun impulsif que les Marocains voient s’agiter.
Une certitude s’impose : avec Ouahbi, le spectacle est permanent ,mais la crédibilité institutionnelle, elle, en prend un coup à chaque épisode.




