Sel, chats noirs et mauvais œil : quand les superstitions traversent les siècles et les cultures

11 أغسطس 2025
Sel, chats noirs et mauvais œil : quand les superstitions traversent les siècles et les cultures

 

Chouaib Sahnoun
On les connaît, on les répète… souvent sans savoir d’où elles viennent. Jeter une pincée de sel par-dessus l’épaule, éviter les chats noirs, toucher du bois, ne pas poser le pain à l’envers… Ces gestes, anodins en apparence, ont pourtant des racines profondes dans l’histoire des peuples. De l’Europe médiévale aux traditions arabes, ils racontent une humanité qui, depuis toujours, tente de se protéger de l’invisible.
Entre peur, foi… et imagination fertile
Chez les Gaulois, toucher du bois signifiait se connecter aux esprits des arbres. Plus tard, le geste s’est teinté de christianisme, rappelant la croix du Christ. Le fer à cheval, lui, était vénéré pour sa forme de croissant de lune, symbole de chance, et pour le métal, censé repousser les forces obscures.
Dans le monde arabe, la lutte contre le “ʿAyn”, le mauvais œil, est l’une des croyances les plus tenaces. On accroche encore des khamsa (main de Fatma) ou des perles bleues aux portes, aux voitures, parfois même aux vêtements des nouveau-nés, pour détourner la jalousie ou la malveillance. Dans certaines régions, on brûle de l’encens ou on récite des versets coraniques pour “nettoyer” une maison des ondes négatives.
Le pain aussi a son histoire. En Europe chrétienne, le poser à l’envers annonçait un malheur, parfois même la mort d’un proche. Dans certaines familles maghrébines, on ne jette jamais un morceau de pain à la poubelle : on le ramasse, on l’embrasse et on le pose en hauteur, par respect pour la subsistance que Dieu offre.
Quand la superstition devient presque rationnelle
Certaines croyances avaient avant tout une utilité pratique. Briser un miroir, au XVe siècle, c’était risquer de perdre un objet rare et coûteux importé de Venise. Passer sous une échelle ? Dans l’Europe du XIXe siècle, c’était le chemin des condamnés se rendant à la potence.
Dans le monde arabe, une autre règle persiste : ne pas balayer après le coucher du soleil. En Algérie ou au Maroc, on dit que cela chasse la baraka (la bénédiction) de la maison… ou attire les djinns. Une autre superstition commune : ne pas siffler la nuit, sous peine d’appeler les esprits.
Quant aux chats noirs, ils cumulent les préjugés. En Occident, on les liait aux sorcières ; dans certaines régions arabes, on pensait qu’ils pouvaient être la forme choisie par un djinn pour se manifester.
Des gestes qui résistent au XXIe siècle
Même à l’heure des satellites et de l’intelligence artificielle, ces réflexes demeurent. On jette toujours du riz sur les mariés (un rite indien à l’origine), on évite d’ouvrir un parapluie à l’intérieur (par crainte, jadis, des mécanismes dangereux), et l’on contourne le chiffre 13.
Dans les souks, certaines marchandes marocaines ne rendent pas la monnaie directement dans la main si elles soupçonnent le mauvais œil : elles la posent sur le comptoir ou ajoutent une bénédiction verbale.
Alors, superstition ou patrimoine culturel ? Un mélange des deux, probablement. Car si l’on rit parfois de ces croyances, rares sont ceux qui osent briser un miroir ou jeter du pain… juste “au cas où”.

Leave a Comment

لن يتم نشر عنوان بريدك الإلكتروني. الحقول الإلزامية مشار إليها بـ *


Comments Rules :

عدم الإساءة للكاتب أو للأشخاص أو للمقدسات أو مهاجمة الأديان أو الذات الالهية. والابتعاد عن التحريض الطائفي والعنصري والشتائم.


Breaking News

We use cookies to personalize content and ads , to provide social media features and to analyze our traffic...Learn More

Accept