Chouaib Sahnoun
Cet été devait être celui du renouveau touristique. Il restera plutôt comme une saison de chaos, de colère et de déception. Des plages du nord à celles du sud, de Tanger à Agadir, en passant par Martil,Essaidia,Rabat, El Jadida ou encore Casablanca, l’amertume est générale. Marocains, MRE et touristes étrangers dressent le même constat : le Maroc balnéaire s’effondre sous le poids de l’anarchie et du laxisme
Dans les zones côtières, tout semble devenu payant,parfois à prix d’or. Une simple chaise longue ? 100 à 150 dirhams la journée. Un coin d’ombre ? Réquisitionné illégalement puis “loué” par des individus sans scrupules. Les restaurants pratiquent des tarifs exorbitants pour des prestations souvent médiocres. Les locations saisonnières flirtent avec les prix des grandes capitales européennes
Mais ce n’est pas tout. Harcèlement de rue, agressions, arnaques en tout genre : pour de nombreux estivants, les vacances tournent au cauchemar. Certains parlent même d’un sentiment d’abandon, livrés à eux-mêmes dans des espaces publics désormais privatisés ou monopolisés illégalement, sans le moindre encadrement
Face à ce désastre, le mutisme du ministère du Tourisme interroge, voire scandalise. Pendant que les usagers dénoncent les abus et désertent les plages, les autorités semblent minimiser la crise. Pire, certains responsables locaux ferment les yeux, ou semblent complices, face aux occupations illégales du domaine public, à l’absence de contrôle des prix ou à la prolifération de comportements délictueux
Alors que des destinations voisines,Portugal,Tunisie, Turquie, Espagne ,proposent des expériences balnéaires bien plus accessibles, sécurisées et encadrées, le Maroc donne l’image d’un laisser-aller général
Les premiers à souffrir de cette situation sont pourtant ceux qui jouent le jeu du professionnalisme : hôteliers respectueux, restaurateurs de qualité, prestataires honnêtes. Ces acteurs, porteurs d’une vision durable du tourisme, voient leur réputation ternie par les dérives d’une minorité incontrôlée… et tolérée. À long terme, c’est toute la filière qui vacille
Les avertissements de la presse étrangère ne se font pas attendre. Plusieurs médias européens ont tiré la sonnette d’alarme : « Évitez le Maroc cet été », titrent certains journaux ou blogs spécialisés. Ces messages, relayés par les réseaux sociaux, risquent de provoquer une fuite durable de la clientèle étrangère
Cette débâcle tombe au pire moment. À quelques mois de la Coupe d’Afrique des Nations 2025, et alors que le royaume prépare activement la Coupe du Monde 2030, cette image chaotique pourrait coûter cher. Très cher. Le Maroc joue gros sur le plan de la crédibilité internationale
Il est encore temps d’agir, mais il faut pour cela rompre avec le déni. Ce n’est pas en maquillant la réalité dans des rapports optimistes ou en ignorant les appels au secours des citoyens que l’on construira un tourisme durable. Il faut rétablir l’ordre, sanctionner les abus, protéger les usagers, soutenir les professionnels de qualité, et surtout, écouter les cris d’alarme venus du terrain
Car un été perdu, c’est une saison ratée. Mais une réputation perdue, c’est des années de confiance à reconstruire