
Chouaib Sahnoun
Alors que l’administration Trump accélère les manœuvres pour arracher un accord express au Maghreb, les projecteurs se déplacent vers Doha. L’émirat, fort d’une médiation couronnée de succès menée dans la plus grande discrétion il y a vingt ans, dispose encore aujourd’hui des leviers techniques et diplomatiques pour relancer le dialogue entre Rabat et Alger. Mais une condition demeure : une invitation officielle qui, pour l’heure, se fait attendre.
L’ambition affichée par Washington de conclure un « accord de paix » maroco-algérien en soixante jours secoue les chancelleries, relève El Independiente. Cette cadence imposée par les États-Unis tranche nettement avec la paralysie du dossier au sein des Nations unies, où aucune négociation substantielle n’a été engagée depuis 2019. Face à l’usure des résolutions sans effet, une piste longtemps reléguée au second plan refait surface : celle d’une médiation qatarie, unique acteur à avoir, par le passé, obtenu des avancées concrètes sur ce terrain hautement inflammable.
Pour mesurer la crédibilité de Doha, il faut revenir en arrière et s’éloigner des crises contemporaines de Gaza ou de Kaboul. En février 2004, loin des caméras, le Qatar avait orchestré le transfert vers Agadir d’une centaine de soldats marocains détenus dans les camps de Tindouf. Cette opération humanitaire délicate, menée à la demande du Front Polisario comme « geste de bonne volonté », avait démontré la capacité de l’émirat à naviguer avec habileté au cœur des défiances historiques du Maghreb. Une délégation qatarie avait alors personnellement escorté les prisonniers, prélude à la libération complète des captifs l’année suivante.
Deux décennies plus tard, la diplomatie de l’émir Tamim ben Hamad Al Thani est autrement plus structurée. La médiation est désormais inscrite dans la Constitution, et le ministère des Affaires étrangères s’est doté d’un appareil institutionnel dédié à la gestion des crises, épaulé par des experts scandinaves. Malgré ce pedigree et des relations privilégiées avec Rabat comme avec Alger, Doha demeure en retrait. « L’Algérie et le Maroc sont nos frères et nous entretenons d’excellentes relations avec eux, mais il ne nous a pas été demandé de jouer un rôle dans ce conflit », souligne Majed Al Ansari, porte-parole de la diplomatie qatarie, ajoutant : « Nous pensons qu’ils peuvent le résoudre entre eux ».
La porte n’est toutefois pas fermée. « Si l’on nous le demande, nous évaluerons la situation et serons disposés à faciliter une médiation », confie un responsable qatari. Mais le scepticisme domine chez les observateurs. Nombre d’experts doutent que l’Algérie ou le Polisario acceptent l’intervention d’un acteur du Golfe, perçu comme naturellement aligné sur les monarchies. En attendant, le Qatar reste ce médiateur potentiel, crédible mais inexploité, d’un conflit maghrébin qui s’enlise dans le temps.




