Chouaib Sahnoun
Le statu quo n’est plus tenable. Dans un contexte géopolitique sous haute tension, un rapport récemment publié dans la revue Politique et Société Internationale, éditée par la Fondation Friedrich Ebert, lance une mise en garde claire : l’inaction de l’Union européenne face à l’escalade latente entre le Maroc et l’Algérie n’est plus sans conséquences. Ce conflit bilatéral, souvent cantonné au prisme d’un différend régional, a désormais des répercussions concrètes sur la sécurité, l’énergie et les flux migratoires de l’ensemble du bassin méditerranéen.
Selon les auteurs du rapport, l’Union européenne ne peut plus se contenter d’incantations diplomatiques et d’appels abstraits à la coopération. Elle est appelée à jouer un rôle actif, en favorisant des mécanismes de médiation souples, à travers des initiatives dites de « deuxième voie », impliquant universitaires, acteurs économiques et représentants de la société civile des deux pays. L’objectif est clair : restaurer un minimum de dialogue pour préparer le terrain à de futures négociations officielles.
La rivalité entre Rabat et Alger, figée depuis la rupture diplomatique en 2021, n’a rien d’un simple malentendu entre voisins. Le document pointe des conséquences lourdes : la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe, qui affecte l’approvisionnement énergétique européen ; la suspension de la coopération sécuritaire, qui fragilise la lutte conjointe contre le terrorisme au Sahel et le crime transfrontalier ; ou encore la fermeture des frontières terrestres, qui accroît la pression migratoire sur les routes de la Méditerranée occidentale.
L’Union européenne, absorbée par d’autres crises (Ukraine, Proche-Orient, Balkans), traite encore le dossier maghrébin avec distance, comme s’il s’agissait d’une tension gelée. Mais ce calcul est risqué. Le rapport évoque explicitement le précédent israélo-palestinien pour rappeler combien une situation perçue comme “gérable” peut rapidement dégénérer en crise ouverte.
Alors que l’UE planche sur une refonte de sa politique de voisinage sud à travers un nouveau « Pacte pour la Méditerranée », le dossier Maroc-Algérie devient un révélateur de sa capacité à prévenir les conflits plutôt que de les subir. C’est l’occasion, souligne le rapport, de miser sur la diplomatie préventive, les relais locaux et les leviers économiques pour encourager une désescalade durable.
En somme, l’Europe ne peut plus se permettre de rester spectatrice d’un conflit qui menace à terme ses propres équilibres. Ce rapport sonne comme un appel à la lucidité stratégique : entre Rabat et Alger, l’UE n’a pas seulement un rôle de médiatrice potentielle, elle a surtout un intérêt vital à préserver la stabilité de son voisinage sud.
