Chouaib Sahnoun
Le malaise couvait depuis des années. Il est aujourd’hui à son paroxysme. Les retraités marocains, longtemps relégués au second plan des politiques publiques, se préparent à hausser le ton. Las d’être les grands oubliés des réformes sociales, ils dénoncent une paupérisation galopante, exacerbée par une inflation insoutenable et des pensions figées depuis près de trois décennies. Une situation explosive qui pourrait déboucher sur une crise sociale d’ampleur nationale.
En toile de fond, une réforme systémique du régime des retraites se profile. Mais loin d’apporter des solutions pérennes, les scénarios actuellement à l’étude , notamment le report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 65 ans ,soulèvent un tollé. Les syndicats, dans un rare élan d’unité, rejettent massivement cette mesure, la qualifiant d’”injuste”, “déconnectée des réalités sociales” et “mortifère” pour les générations futures.
Pour les retraités déjà en poste, l’attente d’une revalorisation des pensions vire au cauchemar. Le pouvoir d’achat s’effondre face à l’explosion du coût de la vie, notamment dans les domaines de la santé, de l’alimentation et du logement. “Nous avons cotisé toute notre vie, et voilà le traitement que nous recevons : l’oubli, l’humiliation et l’angoisse du lendemain”, confie un ancien fonctionnaire de l’éducation nationale, présent lors d’un récent rassemblement devant le Parlement à Rabat.
Les manifestations se multiplient, et une grande marche nationale des retraités est en préparation. Objectif : faire pression sur l’exécutif avant les élections législatives de 2026, une échéance déterminante pour la stabilité du pays. Car l’enjeu dépasse largement le simple sort des retraités : il engage l’avenir de tout le système social marocain.
Les caisses de retraite, confrontées à un déséquilibre financier chronique, s’acheminent inexorablement vers l’asphyxie. Leur déficit structurel s’aggrave d’année en année, sur fond de vieillissement démographique et de précarisation du marché du travail. Et les experts avertissent : sans une réforme concertée, équitable et urgente, c’est l’ensemble de la protection sociale qui risque l’effondrement.
À l’heure où les négociations tripartites entre gouvernement, patronat et syndicats peinent à démarrer, le pays semble suspendu à une équation à plusieurs inconnues : comment sauver le système des retraites sans sacrifier les droits des retraités ? Comment rétablir la justice sociale sans compromettre la soutenabilité économique ? Et surtout, le gouvernement aura-t-il le courage politique de trancher avant qu’il ne soit trop tard ?
Car une chose est sûre : le temps presse, et le mécontentement gronde. Si rien n’est fait, les retraités pourraient bien être les détonateurs d’une crise sociale inédite dans l’histoire récente du Royaume.
