Chouaib Sahnoun
Le Maroc se débat dans une crise sanitaire profonde, victime d’un mal insidieux : l’exode médical. Chaque année, des centaines de médecins quittent le royaume, emportant avec eux savoir-faire, vocation et espoir. C’est un flot continu, un saignement lent mais implacable, qui vide les hôpitaux, les cliniques, les campagnes… et laisse derrière lui un système de santé à genoux.
« Le Maroc exporte ses compétences, mais importe la pénurie », déplore avec gravité Youssef El Fakir, professeur à la faculté de médecine. Lors d’une rencontre organisée par le groupe istiqlalien à la Chambre des conseillers sur la migration des médecins, il a dressé un constat alarmant : pour 36 millions d’âmes, seulement 30 000 médecins. Cela revient à 7,5 praticiens pour 10 000 habitants, quand l’Organisation mondiale de la santé en recommande trois fois plus. Le pays souffre d’une véritable désertification médicale.
Et pendant que les rangs s’éclaircissent au Maroc, la France, elle, accueille près de 15 000 médecins marocains – dont 7 000 n’y sont même pas nés. L’Allemagne, elle aussi, attire chaque année environ 600 praticiens marocains, happés par de meilleures conditions de travail et de rémunération. Ce ne sont pas seulement les médecins qui partent, mais aussi les infirmiers, les techniciens, les âmes du soin.
Face à cette hémorragie, le Maroc a tenté de panser la plaie. Une réforme législative a ouvert les portes aux médecins étrangers. Mais le remède tarde à faire effet : seuls une cinquantaine de praticiens venus d’Afrique ou du monde arabe ont demandé à s’inscrire à l’Ordre des médecins. L’Europe, l’Asie ? Absentes. Le Maroc ne séduit pas. Il ne retient plus. Il appelle, mais peu répondent.
C’est une alerte rouge, un cri dans le silence des couloirs d’hôpitaux trop vides : le Maroc perd ses médecins. Et avec eux, une part de son avenir.