
Chouaib Sahnoun
La déclaration du ministre de l’Intérieur, affirmant que « tous ceux qui ont volé un dirham ou pris un mètre de terrain seront poursuivis en justice », a secoué la scène publique. Dans un pays où la corruption est perçue comme un phénomène endémique, ces mots sonnent comme une mise en garde, mais aussi comme une promesse potentiellement historique. Reste une question essentielle : le Maroc est-il réellement en mesure de combattre la corruption ?
Une déclaration inédite… qui résonne fortement dans l’opinion.
Prononcée lors d’une intervention publique récente, l’avertissement du ministre a immédiatement suscité un écho national. Les réseaux sociaux se sont emballés, les élus locaux ont retenu leur souffle, et plusieurs observateurs y voient une tentative d’affirmer l’autorité de l’État dans un contexte où les scandales financiers se multiplient.
Le ton employé ,ferme, presque martial , vise non seulement à rassurer les citoyens mais aussi à mettre en difficulté certains réseaux habitués à l’impunité.
La corruption, un mal profond et systémique.
Malgré les efforts réels des dernières années, le Maroc reste classé dans une zone problématique par les indicateurs internationaux de transparence.
Les formes de corruption les plus répandues sont :
*Clientélisme local dans l’urbanisme, le foncier, et les autorisations administratives.
*Détournements et surfacturations dans certains marchés publics.
*Corruption quotidienne dans certains services administratifs.
*Complicités verticales, difficiles à démanteler car elles impliquent plusieurs niveaux d’influence.
Ce caractère systémique explique pourquoi chaque annonce officielle suscite autant d’espoir que de scepticisme.
Une volonté politique renouvelée ?
Depuis quelques années, le Maroc a mis en place plusieurs outils :
*Commission nationale anticorruption (INPPLC).
*Numérisation accélérée de l’administration pour réduire les contacts directs propices aux pots-de-vin.
*Procureurs plus actifs dans certains dossiers fonciers.
*Renforcement du rôle de la Cour des comptes.
Cependant, ces institutions souffrent souvent d’un manque de moyens, d’indépendance ou d’autorité.
Le véritable test sera la capacité du ministère de l’Intérieur à traduire sa menace en actions concrètes.
Le poids du foncier : un dossier explosif
En visant explicitement « ceux qui ont pris un mètre de terrain », le ministre touche un sujet ultra-sensible.
Le foncier, au Maroc, a été l’un des principaux foyers de corruption durant des décennies
Attributions douteuses, ventes sous-évaluées, falsification de titres, complicité administrative.
S’attaquer à ce secteur pourrait provoquer un séisme politique, mais aussi redonner confiance dans l’État.
Peut-on réellement combattre la corruption au Maroc ?
La réponse est oui, mais sous conditions très strictes :
1. Une justice réellement indépendante
Sans pressions politiques, sans immunités officieuses.
2. Une protection des lanceurs d’alerte.
Aujourd’hui très insuffisante, ce qui empêche les citoyens et fonctionnaires de signaler les abus.
3. La transparence totale des marchés publics
Publication des appels d’offres, traçabilité digitale.
4. La fin de l’impunité des “intouchables”
Le nerf du problème : tant que certains peuvent échapper à la justice, la corruption restera un système lucratif.
5. Une volonté politique constante, pas ponctuelle
Les discours ne manquent pas. Ce qui manque, ce sont les résultats visibles.
Un tournant ou un discours de plus ?
La déclaration du ministre peut marquer le début d’un nouveau cycle, si elle est suivie d’enquêtes, de procès, et de condamnations exemplaires.
Elle peut aussi rester un simple message politique, sans impact réel.
Pour l’heure, la société marocaine observe.
Les prochaines semaines diront si ces paroles sont le début d’une lutte authentique… ou la répétition d’une promesse déjà souvent entendue.




