Boualem Sansal contre le régime des caporaux : la grâce qui cache le bâillon

28 نوفمبر 2025
Boualem Sansal contre le régime des caporaux : la grâce qui cache le bâillon

Chouaib Sahnoun
Dans un entretien explosif, l’écrivain Boualem Sansal dénonce une grâce présidentielle imposée, instrument politique utilisé pour étouffer les critiques les plus dérangeantes. Accusé d’atteinte à la sûreté de l’État pour avoir évoqué la marocanité du Sahara oriental et la fabrication coloniale des frontières algéro-marocaines, Sansal refuse de plier.
Il réclame la justice, pas la clémence. La vérité, pas le pardon forcé. Son récit dévoile les zones sombres d’un pouvoir qu’il qualifie à demi-mot de régime de caporaux, où l’armée décide, où le débat est interdit, où la mémoire est instrumentalisée.
Une grâce imposée : le pouvoir militaire recycle ses vieux réflexes
Loin d’être un acte humanitaire, la grâce accordée à Sansal constitue selon lui une condamnation déguisée.
Il affirme :
« Je ne voulais ni clémence ni charité. Je voulais un procès public. »
Mais le régime, fidèle à ses méthodes, l’a privé de cette possibilité.
Plutôt que d’assumer un débat contradictoire, il a préféré jouer la carte de la magnanimité, un vieux réflexe paternaliste hérité de décennies de domination militaire.
Sansal raconte avoir été saisi, transporté, expulsé, sans jamais être consulté : une scène qui résume la nature verticale, brutale et infantilisante du système.
Sansal assume tout : “Ce n’est pas une gaffe, c’est l’histoire”
Accusé d’avoir “provoqué la nation”, Sansal balaie l’accusation avec humour avant de revenir à l’essentiel :
il n’a rien inventé, il a simplement rappelé ce que l’histoire consigne noir sur blanc.
Pour lui, dire la vérité n’est pas un acte politique mais un devoir intellectuel.
Il assène :
« Si c’est blanc, je dis que c’est blanc. Je ne maquille rien. »
Ce franc-parler constitue précisément ce que le régime militaire ne supporte pas : la remise en question d’un récit officiel figé, sacralisé, intouchable.

Encadré historique : le Sahara oriental, une frontière décidée par Paris
*1848 : l’Algérie devient un département français.
*L’armée coloniale doit redessiner des frontières administratives.
*Plusieurs territoires sahariens, historiquement liés au Maroc, sont rattachés à l’Algérie par décision militaire et bureaucratique.
*Après 1962, le FLN et l’armée reprennent ces frontières coloniales sans les discuter.
*Le pouvoir en fait un symbole identitaire, transformant une décision administrative française en “ligne sacrée”.
Pour Sansal, rappeler cette réalité est un geste d’honnêteté historique, pas une provocation.
Pour le régime, c’est un crime de lèse-majesté.

Une vérité qui heurte la propagande et secoue la société.
Sansal reconnaît qu’il n’avait pas anticipé la déflagration provoquée par ses propos dans l’émission Frontières.
Le régime l’a accusé d’atteinte à la sûreté de l’État.
Des segments nationalistes de la société l’ont attaqué.
Même une partie de l’opposition s’est crispée, prisonnière d’un imaginaire territorial sacralisé.
Toucher au mythe des frontières, c’est toucher au cœur de la légitimité militaire.
C’est le talon d’Achille du système algérien.

Débat derrière les barreaux : mémoire contre vérité
En prison, le débat se poursuit.
Un gardien-chef lui lance :
« Je suis d’accord avec toi sur la corruption et le régime. Mais pas sur les frontières. Des gens sont morts pour cette terre. »
Sansal répond calmement, avec une lucidité froide :
« Ce n’est pas parce que quelqu’un est mort pour une terre qu’elle devient la sienne. »
Une phrase qui fait l’effet d’un séisme.
Elle oppose la mémoire sacrificielle ,instrument central du nationalisme algérien ,à la vérité historique.

La vérité comme dernier acte de résistance
L’affaire Sansal révèle un système à bout de souffle :
*Qui criminalise la parole,
*Qui confond État et caserne,
*Qui remplace la justice par la grâce,
*Qui s’accroche à des mythes pour masquer ses propres failles.
En brisant le silence, Sansal ne raconte pas seulement son histoire.
Il expose les mécanismes d’un pouvoir qui redoute la vérité autant qu’il redoute la liberté de ses citoyens.
Son combat n’est pas seulement celui d’un écrivain :
c’est celui de toute une société en quête d’air, d’histoire vraie, et d’un État qui ne soit plus dirigé par les réflexes d’une caserne.

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