
Chouaib Sahnoun
Le rêve d’une liaison fixe entre l’Europe et l’Afrique, imaginé depuis plus de quarante ans, n’a jamais été aussi proche de reprendre forme. L’Espagne et le Maroc maintiennent leur ambition commune : creuser un tunnel ferroviaire sous-marin à travers le détroit de Gibraltar, un chantier titanesque qui pourrait transformer pour toujours les échanges entre les deux continents. L’horizon de mise en service, autrefois flou, se précise désormais autour de 2040.
L’idée naît dans les années 1970. À l’époque, plusieurs scénarios sont explorés, notamment un pont monumental. Mais la réalité géologique du détroit, marqué par de grandes profondeurs, une activité sismique notable et des courants violents, conduit rapidement à abandonner toute option aérienne. Depuis, les discussions et études se focalisent sur un tunnel ferroviaire inspiré du modèle transmanche.
Deux organismes pilotent le projet :
la SECEGSA (côté espagnol),
la SNED (côté marocain).
Après des décennies de hauts et de bas politiques, les études récentes, menées avec l’appui de l’ingénierie allemande Herrenknecht, confirment que le projet est techniquement réalisable, bien que très complexe.
Le tracé aujourd’hui privilégié relierait Punta Paloma (Cadix) à Punta Malabata (près de Tanger) en passant par le « Seuil du détroit », la zone la moins profonde. L’ouvrage atteindrait 42 km, dont 28 km sous la mer, et descendrait jusqu’à 475 mètres. Le plan prévoit trois galeries :
Deux pour le trafic ferroviaire (TGV et fret),
Une galerie centrale dédiée à la maintenance et la sécurité.
Un feu vert politique espéré en 2027
Depuis quelques années, le projet bénéficie d’un nouveau souffle financier, notamment du côté de Madrid. Les crédits débloqués permettent de mettre à jour l’avant-projet, indispensable avant toute décision politique.
Le coût du tronçon espagnol, réévalué récemment, s’élèverait à 8,5 milliards d’euros, contre 15 milliards dans les premières estimations. Une part significative de ce budget pourrait être assurée par des fonds européens, compte tenu de la dimension stratégique du projet.
Les gouvernements espagnol et marocain se sont accordés pour statuer définitivement en 2027. Si la décision est positive, les travaux préparatoires – dont une galerie de reconnaissance de 6 à 9 ans – pourraient commencer dès 2030.
L’objectif ultime : connecter directement les réseaux ferroviaires européens et africains. À terme, il serait possible de voyager sans rupture de charge entre Madrid, Rabat, Paris ou Casablanca, et surtout de fluidifier massivement le transport de marchandises entre les deux continents.




