Concours enseignants 2025 : un assouplissement d’âge qui masque la crise du recrutement éducatif

2 نوفمبر 2025
Concours enseignants 2025 : un assouplissement d’âge qui masque la crise du recrutement éducatif

Chouaib Sahnoun
Le ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports a annoncé, le 29 octobre, l’ouverture du concours d’accès au cycle de qualification des cadres enseignants, session novembre 2025.
Derrière cette annonce administrative en apparence ordinaire se cache une évolution symbolique : la limite d’âge pour se présenter au concours passe de 30 à 35 ans.
Un assouplissement salué par les syndicats, mais qui ne règle ni la crise de vocation, ni les fractures structurelles d’un système éducatif en perte d’attractivité.

Une concession tardive, arrachée sous pression
Fixée à 30 ans depuis 2021, la barrière d’âge instaurée par Chakib Benmoussa avait été perçue comme une mesure d’exclusion, frappant une génération de jeunes diplômés, souvent précarisés et engagés dans des parcours universitaires longs ou discontinus.
Pendant quatre ans, les sit-in se sont multipliés devant les centres régionaux des métiers de l’éducation et de la formation (CRMEF), et les syndicats enseignants ont fait de cette revendication un cheval de bataille.
Le ministre actuel, Mohamed Saad Berrada, a finalement cédé, justifiant la mesure par la volonté de « concilier ouverture et efficacité ».
Mais derrière cette phrase d’équilibriste, se lit la tension entre une exigence de qualité du recrutement et la réalité sociale d’un pays où le métier d’enseignant demeure souvent le dernier refuge d’une jeunesse diplômée en quête de stabilité.

19 000 postes… pour une crise plus large
Le ministère a annoncé l’ouverture de 19 000 postes répartis sur l’ensemble du territoire :
3 383 pour le primaire, dont 1 000 en amazigh ;
12 926 pour le collège, dans les disciplines principales ;
2 691 pour le lycée, notamment en philosophie, informatique, technologie appliquée et éducation physique.
Cette offre paraît généreuse, mais elle reste en deçà des besoins réels du système, confronté à des départs massifs à la retraite et à une désaffection croissante pour le métier.
Derrière le chiffre officiel se dessine un paradoxe : le Maroc recrute, mais ne retient plus.
Les enseignants contractuels, toujours majoritaires dans le système public, dénoncent une précarisation institutionnalisée, une formation souvent inégale et des conditions de travail dégradées.

Des conditions d’accès plus souples, mais un cadre toujours rigide
Les candidats doivent être de nationalité marocaine, âgés de 35 ans au maximum, titulaires d’une licence ou d’un diplôme équivalent et physiquement aptes à l’enseignement.
Les candidatures se font exclusivement en ligne, une modernisation technique qui ne masque pas les difficultés structurelles : l’accès numérique inégal, la complexité administrative et la dépendance des candidats aux portails institutionnels saturés.
Les épreuves, prévues le 22 novembre, se veulent à la fois sélectives et professionnalisantes, articulant pédagogie, psychologie et maîtrise disciplinaire.
Mais, dans les faits, les concours restent marqués par des inégalités territoriales : entre régions, entre universités, et parfois même entre filières, les écarts de préparation et de réussite persistent.

Une formation professionnalisante, entre ambition et contraintes
Les lauréats suivront une année de formation dans les CRMEF, alternant cours théoriques, ateliers pratiques et stages dans les établissements publics.
Le dispositif vise à « professionnaliser » le corps enseignant, mais il reste soumis à des contraintes budgétaires et logistiques qui limitent sa portée.
Le certificat de qualification professionnelle délivré à la fin du cycle conditionne le recrutement définitif, assorti d’un engagement d’affectation régionale de plusieurs années.
Cette territorialisation du recrutement, présentée comme une garantie de stabilité, est aussi perçue par certains comme une assignation géographique, limitant la mobilité et entretenant les disparités entre zones rurales et urbaines.

Un signe d’ouverture… mais pas de réforme de fond
L’élargissement de la limite d’âge à 35 ans apparaît comme un geste d’apaisement politique, plus que comme une réponse structurelle.
Car la véritable crise ne se joue pas dans les chiffres, mais dans les conditions d’exercice du métier : surcharge des classes, salaires insuffisants, dévalorisation sociale et centralisation des décisions.
La mesure, en réalité, ne fait que repousser l’âge d’accès à une carrière fragilisée, sans repenser la logique du recrutement, ni le modèle de formation des enseignants.
Le Maroc continue de chercher des enseignants, mais peine à leur offrir un horizon professionnel digne de ce nom.

Un concours national devenu révélateur social
Le concours d’accès au métier d’enseignant est désormais un baromètre du rapport entre l’État et sa jeunesse diplômée.
Chaque session concentre les frustrations d’une génération qui croit encore, malgré tout, à la fonction publique comme vecteur de stabilité.
En portant la limite d’âge à 35 ans, le ministère reconnaît implicitement l’échec d’une politique de formation et d’emploi qui n’a pas su absorber ni valoriser ses propres ressources humaines.
Le geste est politique. Mais la réforme, elle, reste à écrire.

Leave a Comment

لن يتم نشر عنوان بريدك الإلكتروني. الحقول الإلزامية مشار إليها بـ *


Comments Rules :

عدم الإساءة للكاتب أو للأشخاص أو للمقدسات أو مهاجمة الأديان أو الذات الالهية. والابتعاد عن التحريض الطائفي والعنصري والشتائم.


Breaking News

We use cookies to personalize content and ads , to provide social media features and to analyze our traffic...Learn More

Accept