
Chouaib Sahnoun
L’Europe en a fini avec le changement d’heure. Cinquante ans après l’avoir instauré, elle a reconnu ce que tout le monde savait déjà : l’argument des économies d’énergie ne tient plus. Le soleil se moque des décisions administratives. Et pendant que Bruxelles avance vers plus de cohérence et de confort social, le Maroc, lui, reste bloqué dans un fuseau horaire artificiel ,celui du GMT+1, symbole d’un pouvoir qui s’entête à justifier l’injustifiable.
Une mesure née d’un réflexe bureaucratique, pas d’une logique nationale
Depuis 2018, le Maroc vit une heure en avance sur lui-même. Décision prise sans véritable consultation, sans étude d’impact publique, et surtout sans débat démocratique. Le passage à GMT+1, présenté comme un alignement “rationnel” sur l’Europe, a en réalité créé une fracture entre les citoyens et leurs dirigeants.
Dans les écoles, les enfants partent encore avant le lever du jour, dans des rues parfois dangereuses. Les familles jonglent avec des réveils décalés, des journées rallongées artificiellement, et un sentiment diffus d’être gouvernées par des horloges sans cœur. Pendant ce temps, les bureaux de Rabat parlent d’“optimisation énergétique” et d’“efficacité économique”. Des mots creux, quand le réel dit tout le contraire.
L’Europe s’en détache, Rabat s’y accroche
Ironie du sort : l’Union européenne, que le Maroc prétend suivre en matière d’horaires, vient précisément d’abandonner ce système. Le vieux continent a compris que les habitudes de consommation, les technologies d’éclairage et les modes de travail avaient évolué. Ce que l’Europe supprime pour cause d’obsolescence, Rabat continue de défendre au nom de la “modernité”. Une modernité de façade, comme souvent.
En réalité, le maintien du GMT+1 illustre parfaitement la verticalité du pouvoir marocain : une décision imposée d’en haut, sans dialogue, sans justification transparente, et surtout sans retour d’expérience sur les effets réels sur la population. La technocratie règne, la raison dort.
Une heure d’avance, un pays en retard
Cette obsession pour le GMT+1 en dit long sur une autre réalité : celle d’un État qui redoute d’admettre qu’il a eu tort. Revenir à l’heure naturelle, le GMT, serait reconnaître que la mesure était mauvaise, que les Marocains avaient raison, et que l’écoute citoyenne a du sens. Or, le pouvoir préfère sauver la face que soulager ses citoyens.
Pourtant, le moment est historique : l’Europe vient de refermer le chapitre du changement d’heure. Le Maroc, partenaire économique et géographique de premier plan, n’a plus aucune raison valable de persister dans cette singularité horaire. La cohérence régionale, la santé publique, la sécurité des enfants, le rythme biologique… tout plaide pour un retour au fuseau naturel.
Le courage politique, c’est aussi de dire : “On s’est trompés”
Il ne s’agit plus d’une question d’horaires, mais de gouvernance. D’une manière de concevoir la décision publique : au service du peuple ou au-dessus de lui. Revenir au GMT, ce n’est pas un caprice nostalgique, c’est un geste d’intelligence collective. Ce serait la preuve qu’un gouvernement peut écouter, admettre, et rectifier.
Mais au Maroc, même les aiguilles semblent obéir à la raison d’État.




