
Chouaib Sahnoun
Au stade Moulay-Abdellah, le rêve d’un Maroc conquérant sur la scène mondiale s’est brutalement dissipé. Les Lioncelles de l’Atlas U17 ont subi, face à la Corée du Nord (1–6), bien plus qu’une défaite : une démonstration de ce que produit un système sportif totalitaire lorsqu’il s’applique méthodiquement à la formation de la jeunesse. Le contraste fut saisissant, presque cruel, entre la rigueur militarisée des Nord-Coréennes et la fraîcheur encore hésitante d’une sélection marocaine en apprentissage.
La rencontre, expéditive, n’a laissé aucun doute sur les rapports de force. Les Asiatiques, triples championnes du monde et tenantes du titre, ont déployé une mécanique collective d’une précision chirurgicale : pressing permanent, occupation rationnelle des espaces, mobilité constante et justesse technique rarement prise en défaut. En face, les Marocaines ont peiné à exister, subissant le rythme imposé et multipliant les erreurs de placement et de relance. L’écart de maîtrise et d’intensité, dès les premières minutes, a pris la forme d’un gouffre.
Ce match, plus qu’un simple épisode sportif, illustre la hiérarchie silencieuse du football mondial féminin. D’un côté, une nation fermée, où la formation des jeunes joueuses relève d’une discipline collective quasi militaire ; de l’autre, un pays émergent du Sud global, où le sport féminin reste un terrain fragile, encore soumis aux pesanteurs culturelles, au manque de structures et à la rareté des moyens. Le score (6–1) ne sanctionne pas seulement des erreurs défensives ou un poste de gardienne en difficulté il met à nu le déséquilibre profond entre deux modèles de développement sportif et social.
Le Maroc, pourtant, n’a pas à rougir. Son parcours dans la phase de groupes , défaite contre le Brésil (0–3), contre l’Italie (1–3), victoire convaincante face au Costa Rica (3–1) , témoigne d’une progression réelle. Les Lioncelles ont prouvé qu’elles pouvaient rivaliser par séquences, mais la marche restait haute. L’honneur a été sauf grâce à la réduction du score tardive de Maissane Ferkous (89e), symbole d’un sursaut d’orgueil dans la tourmente.
La Corée du Nord, elle, avance sereinement vers les sommets, forte d’un projet de domination sportive conçu comme une vitrine politique. Pour les Marocaines, la leçon est douloureuse mais nécessaire : renforcer la formation de base, structurer les académies féminines, investir dans la préparation mentale et physique. Car le fossé ne se comblera pas seulement par la volonté ,il exige une vision.
Au-delà du score, ce 6–1 résonne comme un rappel : la mondialisation du football ne signifie pas son égalité. Le terrain, ici, reflète les déséquilibres du monde. Et Rabat, le temps d’une soirée, en a mesuré la profondeur.


