
Chouaib Sahnoun
L’impopularité des banques au Maroc ne cesse de croître. Loin de s’inquiéter du mécontentement de leurs clients, les établissements financiers semblent au contraire creuser le fossé qui les sépare des usagers. La Fédération marocaine de défense des droits des consommateurs tire la sonnette d’alarme face à des pratiques jugées abusives, qui s’aggravent au fil des années. Au lieu d’alléger la charge des citoyens déjà fragilisés par la conjoncture économique, les banques multiplient les frais pour des services basiques, décourageant une grande partie de la population d’y recourir
Les consommateurs dénoncent une logique inflationniste incompréhensible
Virements bancaires : désormais facturés entre 10 et 30 dirhams, contre 6 dirhams auparavant
Cartes bancaires : passées de 50 à 160 dirhams, une hausse arbitraire
Tenue de compte : gratuité réduite d’un trimestre à un seul mois
Assurances imposées : souscriptions forcées en contradiction avec la liberté de choix.
À ces charges s’ajoutent l’opacité des offres, un accueil souvent froid et un nombre insuffisant de guichets ouverts pendant les congés
Et ailleurs ? Quand la régulation protège le consommateur
Le contraste avec d’autres pays est flagrant
France : Les frais bancaires sont plafonnés et surveillés de près par la Banque de France. Par exemple, les clients en situation de fragilité financière ne peuvent se voir facturer plus de 3 euros par mois pour les services essentiels. Les virements en ligne sont gratuits dans la majorité des banques
Turquie : Depuis 2020, la Banque centrale a imposé un plafond légal sur plusieurs commissions bancaires. Les virements électroniques coûtent moins d’1 dirham équivalent en frais, et les cartes bancaires classiques sont souvent gratuites pour encourager la bancarisation
Égypte : Dans un effort pour élargir l’accès aux services financiers, le gouvernement a imposé la gratuité des ouvertures de compte pendant certaines périodes et encourage la digitalisation. Plusieurs banques publiques ne facturent pas les cartes de retrait basiques
Union européenne : Les virements en euros dans la zone SEPA (34 pays) doivent être facturés au même prix qu’un virement national, ce qui revient la plupart du temps à la gratuité pour les clients particuliers
Le Maroc à contre-courant
Alors que de nombreux pays encadrent les frais bancaires pour protéger les consommateurs et favoriser l’inclusion financière, le Maroc donne l’impression inverse : celui d’un système bancaire fermé, plus préoccupé par la rentabilité immédiate que par son rôle sociétal
Cette situation est paradoxale : dans un pays où près de 40 % de la population reste sous-bancarisée, la logique voudrait que les banques facilitent l’accès, plutôt que de dresser des barrières tarifaires qui alimentent la méfiance et poussent les citoyens vers le cash ou l’informel
Le Maroc a tout intérêt à s’inspirer des modèles étrangers, où la transparence, la régulation des frais et la protection du client sont devenues des standards incontournables. À défaut, les banques risquent de miner durablement la confiance du public et de ralentir la modernisation économique du pays



