Chouaib Sahnoun
Malgré des titres de séjour en règle ou en cours de renouvellement, des centaines de Marocains vivant légalement en Espagne se retrouvent dans l’impossibilité de regagner leur pays de résidence. La cause ? Un décalage kafkaïen entre la législation espagnole et les pratiques des compagnies aériennes opérant depuis le Maroc
La législation espagnole est claire : un étranger dont le titre de séjour a expiré peut rentrer en Espagne s’il présente un récépissé de renouvellement. Ce document atteste qu’une demande est en cours et fait foi aux frontières terrestres et maritimes
Mais dans les aéroports marocains, la réalité est tout autre. Les compagnies aériennes exigent une « autorisation de retour », un document que la loi espagnole ne considère pourtant pas obligatoire dans ce contexte. Problème : cette autorisation ne peut être délivrée qu’en Espagne, avant de quitter le territoire, pour une durée limitée à 90 jours. Beaucoup de voyageurs, partis pour de courtes vacances ou pour rendre visite à leur famille, ignorent même son existence
À l’approche de la rentrée universitaire et professionnelle, l’impact est concret et douloureux
Je suis venu pour deux semaines de vacances. On m’a refusé l’embarquement à cause d’un papier dont je n’avais jamais entendu parler ”, déplore un étudiant marocain inscrit à Barcelone. Il redoute désormais de perdre son semestre
Une salariée de Valence confie quant à elle vivre une situation d’angoisse permanente : « Je ne peux pas reprendre mon poste. Mon avenir est en suspens
Face à cette situation ubuesque, les associations de Marocains d’Espagne montent au créneau. Elles réclament une coordination rapide entre Rabat et Madrid pour résoudre ce blocage administratif. Deux solutions sont envisagées
Autoriser les consulats espagnols au Maroc à délivrer l’autorisation de retour, afin de permettre aux résidents de régulariser leur situation sur place
Exiger des compagnies aériennes qu’elles respectent la loi espagnole, en acceptant le récépissé de renouvellement comme document suffisant pour embarquer
Ce cas n’est pas isolé. Il illustre un problème structurel : la déconnexion entre le droit administratif et les procédures appliquées dans les faits, notamment par des acteurs privés comme les compagnies aériennes. Ce flou juridique pénalise des individus respectueux de la loi, tout en mettant en lumière l’absence de coordination transfrontalière en matière de mobilité
Au-delà des récépissés, des autorisations et des interprétations, ce sont des vies humaines qui sont mises en difficulté par une bureaucratie rigide et désalignée. Étudiants, familles, salariés : tous méritent de retrouver leur quotidien sans devoir payer le prix d’une faille administrative. Il est urgent que les autorités espagnoles et marocaines prennent leurs responsabilités pour mettre fin à cette absurdité