Maroc 2030 : Des stades flambants neufs, mais une société en panne de civisme

8 يوليو 2025
Maroc 2030 : Des stades flambants neufs, mais une société en panne de civisme

 

Chouaib Sahnoun
À cinq ans de la Coupe du monde 2030, que le Maroc coorganisera avec l’Espagne et le Portugal, les grues s’activent, les chantiers se multiplient, les budgets s’envolent. Mais pendant que le béton coule à flot, un autre chantier, bien plus fondamental, reste cruellement négligé : celui du civisme. Et le constat est alarmant.
Une récente enquête du Centre marocain pour la citoyenneté, rendue publique le 28 mai, révèle une réalité sociale inquiétante. Près de 85 % des sondés dénoncent un manque flagrant d’hygiène dans les espaces publics, et près de 70 % considèrent que le harcèlement de rue est un phénomène courant et préoccupant. Les Marocains eux-mêmes dressent donc un portrait sombre de leur quotidien : non-respect des règles élémentaires de vie commune, files d’attente ignorées, comportements agressifs sur la route, incivilités omniprésentes, sans oublier les arnaques touristiques qui ternissent l’image du pays à l’international.
Ce phénomène n’est pas nouveau, mais l’échéance de 2030 agit comme un miroir grossissant. Le Maroc ambitionne de séduire les foules, de montrer au monde son hospitalité légendaire. Or, l’hospitalité ne se résume pas aux sourires dans les riads ou aux danses folkloriques devant les caméras. Elle commence par le respect de l’autre, de l’espace public, des règles du vivre-ensemble. Et sur ce point, force est de constater que les fondations sociales sont bien moins solides que celles des stades en construction.
Ce n’est pas seulement une question d’éducation, mais de volonté politique. Moins de 2 % des citoyens interrogés estiment que des mesures concrètes ont été prises pour lutter contre l’incivisme. Cela en dit long sur l’inaction, voire l’indifférence des autorités face à ce mal rampant. Une stratégie uniquement axée sur l’infrastructure, sans transformation comportementale, est vouée à l’échec.
Avec jusqu’à deux millions de touristes attendus en 2030, le risque est immense : celui d’un décalage choquant entre l’image projetée à l’international et la réalité vécue sur le terrain. Comment vanter le Maroc moderne si des enfants mendient aux feux rouges, si les visiteurs sont harcelés dans les souks, ou si les transports publics sont laissés à l’abandon ?
Le sentiment d’impunité, dénoncé par de nombreux citoyens, alimente cette spirale de désordre. Tant que les comportements antisociaux resteront sans réelle sanction, le message envoyé sera clair : le laisser-faire prime sur la loi.
Le Maroc ne gagnera pas la bataille de l’image uniquement avec des stades high-tech et des hôtels cinq étoiles. Il devra reconstruire une culture citoyenne dans les écoles, les familles, les médias et les institutions. Car le vrai soft power, celui qui fascine et qui convainc, se joue dans les gestes du quotidien, pas dans les discours officiels.
Si le Royaume aspire à rayonner à l’occasion de la Coupe du monde, il doit d’abord balayer devant sa porte. L’incivisme n’est pas une fatalité, mais un symptôme d’une société qui a besoin de se regarder en face.

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