Chouaib Sahnoun
Un verdict lourd pour un journaliste critique : 18 mois de prison et 1,5 million de dirhams d’amende en appel
La Cour d’appel de Casablanca a confirmé, ce lundi 30 juin, la condamnation du journaliste Hamid El Mahdaoui à 18 mois de prison ferme, assortis d’une amende civile de 1,5 million de dirhams, à verser au ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi. Ce jugement, déjà prononcé en première instance, suscite une onde de choc dans les milieux médiatiques et des droits humains au Maroc.
Poursuivi pour diffamation, injure publique et propagation de fausses accusations, El Mahdaoui a vu sa peine confirmée au terme d’un procès jugé emblématique des tensions croissantes entre presse indépendante et pouvoir politique. Le journaliste avait, entre autres, évoqué des faits mettant en cause Ouahbi dans des affaires sensibles, notamment autour d’une voiture de luxe et d’un contentieux financier de plusieurs millions de dirhams.
À l’origine de cette affaire, cinq plaintes distinctes déposées par le ministre Ouahbi, avec l’aval du chef du gouvernement Aziz Akhannouch. Selon la défense du journaliste, cette accumulation de procédures s’inscrit dans une stratégie de harcèlement visant à faire taire une voix critique devenue trop dérangeante.
Le parquet, lors de l’audience du 16 juin, a insisté sur le caractère diffamatoire et intentionnel des déclarations d’El Mahdaoui, demandant l’application rigoureuse du Code pénal. Il lui est reproché d’avoir violé la vie privée du ministre et ses obligations professionnelles en commentant des affaires dans lesquelles Ouahbi était impliqué en tant qu’avocat.
Cette affaire relance avec vigueur le débat sur la liberté de la presse au Maroc. De nombreux observateurs dénoncent l’usage du droit pénal pour museler les journalistes et dissuader toute critique à l’encontre de figures politiques. Le refus de renouvellement de la carte de presse d’El Mahdaoui, évoqué par son entourage, alimente davantage les soupçons de pressions politiques ciblées.
Si la partie civile a salué une décision « conforme au droit », plusieurs ONG et associations de défense des libertés ont fustigé un verdict « inquiétant pour la démocratie et la transparence publique ». Le montant élevé de l’indemnisation réclamée – initialement fixé à 10 millions de dirhams – renforce l’idée d’un procès à dimension dissuasive.
Au-delà du litige personnel entre un ministre et un journaliste, le dossier El Mahdaoui cristallise les tensions entre pouvoir et contre-pouvoirs, et pose une question essentielle : jusqu’où peut aller la liberté de critiquer les détenteurs de l’autorité ?
Dans un contexte où les journalistes indépendants sont de plus en plus confrontés à des poursuites judiciaires, cette affaire pourrait bien devenir un cas d’école sur les limites imposées à la presse dans un État de droit en mutation.