Voitures de fonction : quand le Maroc persiste dans l’abus là où les grandes puissances serrent la vis

19 سبتمبر 2025
Voitures de fonction : quand le Maroc persiste dans l’abus là où les grandes puissances serrent la vis

 

Chouaib Sahnoun
La polémique autour de l’utilisation abusive des voitures de fonction au Maroc refait surface. Interpellée par le député Nabil Dakhch (Mouvement populaire, opposition), la ministre de l’Économie et des Finances Nadia Fettah a dû rendre des comptes sur l’évolution du budget alloué au parc automobile de l’État, un sujet qui suscite régulièrement l’indignation publique
Selon la ministre, les crédits affectés à cette flotte atteignent en moyenne 3,094 milliards de dirhams pour 2024-2025, contre 2,673 milliards entre 2020 et 2023. Si elle rappelle que ces montants restent en dessous des pics enregistrés entre 2012 et 2014 (3,508 milliards), l’augmentation actuelle interpelle, surtout dans un contexte de restrictions budgétaires et de crise sociale
Sur le terrain, la situation est flagrante : ces véhicules, censés être réservés à l’exercice des missions officielles, se retrouvent partout. On les croise devant les écoles pour déposer les enfants, sur les plages le week-end, ou encore dans les souks hebdomadaires. Cette banalisation d’un privilège payé par le contribuable choque l’opinion publique et alimente un sentiment d’injustice sociale
D’autant que les carburants et lubrifiants absorbent à eux seuls près de 60 % des crédits entre 2021 et 2025. Autrement dit, une bonne partie de ce budget sert à financer des trajets qui n’ont parfois rien à voir avec les obligations professionnelles
À titre de comparaison, plusieurs pays développés ont adopté des politiques beaucoup plus strictes et rationnelles
États-Unis : la gestion des flottes automobiles fédérales est centralisée et régulièrement auditée par le Government Accountability Office (GAO). Les abus peuvent entraîner des sanctions disciplinaires. De plus, une transition massive vers des véhicules hybrides et électriques est en cours afin de réduire la facture énergétique et l’empreinte carbone
Japon : l’utilisation des voitures de fonction est limitée à des missions strictement professionnelles. Les fonctionnaires privilégient souvent les transports publics, efficaces et ponctuels. La culture administrative japonaise valorise la sobriété et la responsabilité : utiliser une voiture de l’État pour des besoins personnels serait perçu comme une faute grave
Chine : malgré un parc automobile public considérable, le gouvernement a imposé des coupes sévères depuis 2014 dans le cadre de la campagne anticorruption de Xi Jinping. Des milliers de véhicules ont été retirés ou vendus aux enchères pour réduire les abus et donner un signal fort de rigueur
Ces exemples montrent qu’une gestion responsable est possible, même dans des pays où les besoins logistiques sont considérables
Au Maroc, les promesses de réforme existent : réduction progressive du nombre de véhicules de service, retrait des modèles vétustes, introduction de motorisations électriques et mise en place de dispositifs de contrôle plus stricts. Mais sans volonté politique forte et sans mécanismes de sanction crédibles, ces engagements risquent de rester au stade de simples déclarations
Le contraste est saisissant : alors que dans des pays comme le Japon ou les États-Unis, les responsables publics montrent l’exemple en privilégiant les transports en commun ou en rendant des comptes sur leurs dépenses, au Maroc, la prolifération de voitures de service utilisées à des fins personnelles continue de miner la confiance des citoyens
En fin de compte, la question dépasse le simple gaspillage budgétaire. Elle touche à la justice sociale et à la crédibilité de l’État. Car comment convaincre les citoyens de contribuer davantage aux caisses publiques, d’accepter des hausses de taxes ou des restrictions budgétaires, si dans le même temps certains profitent sans vergogne de voitures payées par tous… pour aller à la plage ou faire leurs courses au marché

Leave a Comment

لن يتم نشر عنوان بريدك الإلكتروني. الحقول الإلزامية مشار إليها بـ *


Comments Rules :

عدم الإساءة للكاتب أو للأشخاص أو للمقدسات أو مهاجمة الأديان أو الذات الالهية. والابتعاد عن التحريض الطائفي والعنصري والشتائم.


Breaking News

We use cookies to personalize content and ads , to provide social media features and to analyze our traffic...Learn More

Accept