Chouaib Sahnoun
La Chambre des crimes financiers de Rabat se prépare à ouvrir le dossier du plus grand scandale de l’histoire de l’éducation au Maroc
Après 7 ans d’enquêtes et de recherches, ainsi que l’audition de plus de 50 responsables
D’après des sources bien informées, la Chambre des crimes financiers de Rabat se prépare à ouvrir le dossier du programme d’urgence après 8 années d’enquêtes et de recherches. En 2018, le procureur général du roi auprès de la Cour d’appel de Rabat avait reçu les résultats de l’enquête menée par la Brigade nationale de la police judiciaire, enquête qui a duré trois ans pour déterminer les responsabilités dans les graves irrégularités financières qui ont marqué les marchés de l’équipement didactique dans le cadre du programme d’urgence pour la réforme de l’éducation, avant de décider d’approfondir les recherches
Le procureur général du roi a reçu un volumineux dossier qui est le résultat de l’audit de milliers de documents et de pièces justificatives liées aux marchés, ainsi que des conclusions tirées après l’audition de plus de 50 responsables, dont de hauts directeurs. En octobre 2015, il avait transmis à la Brigade nationale des plaintes de la part du réseau et de l’association marocaine de protection de l’argent public, accompagnées d’un CD contenant le contenu d’appels téléphoniques révélant de graves scandales concernant la manière dont étaient orientés les marchés d’un programme ayant coûté environ 33 milliards de dirhams
Il est attendu que le traitement de ce dossier connaisse des développements rapides après la détermination de la liste des personnes poursuivies et leur renvoi devant la Chambre des crimes financiers à la lumière des résultats des enquêtes. Les conclusions du rapport du ministère de l’Éducation nationale sous l’ancien ministre Rachid Belmokhtar avaient confirmé l’exactitude de plusieurs des informations contenues dans la plainte, y compris le fait qu’une partie importante des équipements fournis dans le cadre de marchés généreux était devenue inutilisable en raison de leur inaptitude à être exploités, ou qu’ils n’étaient même jamais arrivés dans les établissements scolaires bien qu’ils figuraient sur les documents utilisés lors d’un précédent audit
La plainte déposée auprès du procureur général du roi avait révélé que certains des équipements acquis dans le cadre des marchés du programme d’urgence étaient contrefaits par des entreprises chinoises spécialisées, et que certains n’étaient que de la ferraille remise en état ou fabriquée dans plusieurs ateliers situés dans des quartiers populaires connus du Maroc, notamment à Casablanca et Salé, avant d’être introduits dans les marchés en tant qu’importations respectant toutes les conditions et spécifications mentionnées dans les cahiers des charges
Il convient de noter que le rapport de la Cour des comptes concernant le programme d’urgence avait pointé du doigt directement le ministère de l’Éducation nationale pour les graves et nombreuses irrégularités qui ont accompagné la mise en œuvre du programme, lesquelles se sont soldées par le gaspillage d’environ 25 milliards de dirhams sans résultat après l’attribution de marchés regroupés à Meknès et Rabat, par des directeurs d’académies dont certains sont toujours en poste
Plusieurs ministres avaient déjà évoqué des scandales en série, affirmant que les responsables du “programme d’urgence pour la réforme de l’éducation” méritaient la prison après leur procès, car ils ont dilapidé l’argent public sans rendre de comptes. Un conseiller parlementaire avait même parlé de l’existence d’une mafia contrôlant les marchés de l’éducation
Les juges de la Cour des comptes ont auditionné la plupart des responsables centraux du ministère, dont les empreintes étaient fortement présentes dans les marchés du programme, à l’exception des anciens ministres qui avaient le pouvoir de décision final pour orienter ou suivre les marchés. Un responsable occupant un poste important lors de l’exécution du programme a également été exclu, ce qui a soulevé de nombreuses questions que les associations de protection de l’argent public avaient anticipées, en appelant à ce que cette affaire suive “son cours normal et habituel et aboutisse à l’interpellation et à la reddition de comptes de tous les présumés impliqués dans le gaspillage et la dilapidation de l’argent public, quelle que soit leur position ou leur responsabilité