Chouaib Sahnoun
Dans une tentative de reprendre le contrôle sur une situation qui menace la crédibilité du système de santé public, le ministre de la Santé et de la Protection sociale a lancé récemment une opération coup de poing : le déploiement de commissions d’enquête pour effectuer des visites inopinées dans les hôpitaux du Royaume. L’objectif ? Vérifier la présence effective des médecins et du personnel soignant, après un afflux inquiétant de plaintes émanant de patients et de familles, excédés par l’absence répétée de soignants censés être en poste.
Si cette décision s’inscrit dans une logique de bonne gouvernance et de responsabilité, elle semble toutefois souffrir d’un défaut de conception. Le simple fait d’annoncer ces contrôles à l’avance vide en grande partie l’opération de son efficacité : il est évident que les principaux concernés, avertis à demi-mot, prendront soin d’être présents le jour J, offrant l’image trompeuse d’un service normal. Résultat : un coup d’épée dans l’eau.
L’absentéisme dans les hôpitaux publics marocains n’est pas une nouveauté. Il s’agit d’un dysfonctionnement ancien, devenu presque institutionnalisé, et que l’on tolère parfois par fatalisme. Lorsque les absences deviennent chroniques et qu’aucune solution de remplacement n’est mise en place, ce sont les patients les plus vulnérables qui en font les frais. Pire encore : certaines directions hospitalières, elles-mêmes défaillantes, ferment les yeux ou se montrent incapables de réagir.
Nombre d’observateurs estiment qu’une action plus symbolique, mais autrement plus percutante, aurait eu un impact immédiat : la visite inopinée du ministre lui-même dans quelques établissements stratégiques. Un tel geste fort, relayé par les médias, aurait envoyé un message clair à tout le corps médical. Au lieu de cela, on mobilise des cadres administratifs pour des tournées prévisibles, laissant leurs propres bureaux désertés , une ironie qui n’échappe à personne.
Au fond, ce que révèlent les centaines de plaintes reçues par le ministère dépasse largement le cadre de l’absence physique. Elles pointent du doigt un malaise éthique profond, un effritement du sens du devoir chez une partie du personnel soignant. Un manque de conscience professionnelle qui trahit non seulement la mission de service public, mais aussi la relation de confiance entre citoyens et institutions de santé.
Tant que ce problème de fond ne sera pas affronté avec courage et lucidité , à travers une refonte de la gouvernance hospitalière, une valorisation du mérite, une politique de sanctions dissuasives, et surtout une éthique du service réaffirmée , aucune commission, aussi bien intentionnée soit-elle, ne pourra enrayer la spirale de la défiance.
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