Chouaib Sahnoun
Depuis plusieurs années, les relations entre chauffeurs de taxi et conducteurs de VTC au Maroc se sont fortement détériorées, entraînant des affrontements réguliers dans les grandes villes. Face à cette montée des tensions et aux revendications des syndicats de taxis, le gouvernement a décidé d’encadrer juridiquement ce secteur en pleine expansion. Une mesure qui, loin d’apaiser le climat, pourrait au contraire raviver les tensions sociales.
Mardi dernier, lors d’une session de la Chambre haute du Parlement, le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, a réaffirmé la volonté du gouvernement d’intégrer les services de transport basés sur les applications mobiles dans un cadre légal. « Nous ne pouvons pas reconnaître officiellement ces plateformes, mais nous ne pouvons pas non plus les ignorer », a-t-il déclaré, soulignant la nécessité d’adapter la réglementation aux nouvelles réalités du transport urbain.
Une étude approfondie est en cours afin d’établir un cadre juridique adapté aux plateformes de VTC, tout en veillant à maintenir un équilibre entre les différents acteurs du secteur. Toutefois, cette initiative est accueillie avec méfiance par les chauffeurs de taxi, qui dénoncent un traitement préférentiel accordé aux VTC. Ils estiment que ces derniers échappent aux contraintes administratives et financières auxquelles eux-mêmes sont soumis.
Conscients de l’évolution du marché, certains chauffeurs de taxi cherchent à moderniser leur service. Lors d’une réunion tenue mardi, des représentants du secteur ont proposé la création d’une application mobile nationale dédiée aux taxis, intégrant des fonctionnalités telles que la géolocalisation et le paiement électronique. Inspirée du modèle « Wink Taxi » d’Agadir, cette initiative vise à rendre le service plus attractif face à la concurrence des VTC. Néanmoins, ces efforts de modernisation ne suffisent pas à calmer la colère des chauffeurs, qui réclament une réglementation plus stricte des plateformes de VTC, notamment via l’instauration d’une licence professionnelle obligatoire pour leurs conducteurs.
Le principal reproche des chauffeurs de taxi concerne l’inégalité des règles qui leur sont imposées par rapport aux VTC. Contrairement aux taxis traditionnels, ces derniers ne sont pas soumis aux mêmes obligations légales ni aux mêmes charges fiscales. Pour les taxis, les plateformes de VTC évoluent dans une zone juridique floue qui leur permet d’éviter certaines contraintes administratives et financières.
Certains syndicats vont jusqu’à exiger l’interdiction pure et simple des services de VTC, qu’ils accusent de fragiliser davantage un secteur déjà mis à mal par la crise économique. « Les taxis sont un service public réglementé, pas une activité privatisable », affirme un représentant syndical, réclamant des mesures de protection pour leur profession et des règles équitables pour tous les acteurs du transport.
Face à la pression croissante, le ministre de l’Intérieur a appelé à un dialogue entre toutes les parties concernées. « Notre objectif est de concilier innovation et réglementation, tout en préservant la paix sociale », a-t-il précisé.
Cependant, parvenir à une régulation apaisée s’annonce complexe. Ces derniers mois, les tensions entre chauffeurs de taxi et conducteurs de VTC se sont accentuées, allant parfois jusqu’à des violences et des actes d’intimidation.
Alors que le gouvernement tente d’apporter une réponse structurée à ce conflit, le risque d’une aggravation des tensions demeure. Si la future réglementation ne parvient pas à satisfaire toutes les parties prenantes, le Maroc pourrait être confronté à un nouveau foyer de contestation sociale, menaçant de fragiliser davantage un secteur déjà sous pression.
