Chouaib Sahnoun
Depuis la libéralisation des prix des carburants en 2015, les Marocains vivent au rythme des fluctuations décidées par les grands distributeurs, sous l’œil bienveillant ,mais trop passif ,de l’État. Interpellée par le député Driss Sentissi (groupe Haraki), la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, a réaffirmé que les prix des hydrocarbures ne sont plus fixés par l’administration mais laissés à la libre détermination des opérateurs du secteur. Elle a toutefois assuré qu’un suivi strict est effectué, et que des mesures d’accompagnement, notamment liées à la transition énergétique, sont prévues
La ministre s’est voulue rassurante en avançant quelques chiffres : le prix du gasoil aurait baissé de 7 % au premier semestre 2025, contre une moyenne mondiale de –6,1 %, tandis que l’essence super aurait reculé de 1,9 % au Maroc contre –1,4 % à l’international. Le Conseil de la concurrence, dans ses rapports trimestriels, affirme de son côté que les marges des distributeurs restent « raisonnables » et qu’aucune entente anticoncurrentielle n’a été détectée
Pourtant, ce discours officiel peine à convaincre. Depuis dix ans, les consommateurs dénoncent une vérité criante : les prix à la pompe, une fois libéralisés, n’ont jamais vraiment suivi la logique du marché mondial. Les baisses internationales se répercutent tardivement et partiellement, alors que les hausses sont immédiatement appliquées. Résultat,une rente invisible mais massive se crée au profit de quelques grands groupes qui contrôlent le marché
Face à cette réalité, les promesses de l’État paraissent limitées. Certes, des subventions temporaires au transport et un suivi quotidien des cours mondiaux sont annoncés. À plus long terme, le gouvernement promet un stock stratégique et un virage vers les énergies renouvelables, notamment l’hydrogène vert. Mais ces mesures restent davantage déclaratives que concrètes, pendant que le citoyen continue de payer son plein au prix fort
En vérité, la libéralisation sans véritable régulation a offert au lobby pétrolier une rente colossale. Le Conseil de la concurrence, censé jouer un rôle de gendarme, apparaît trop complaisant. L’absence d’alternatives locales, l’opacité des marges réelles et la dépendance énergétique du pays renforcent le pouvoir des distributeurs
La question n’est donc pas de savoir si le marché est « libre » mais s’il est « juste ». Car tant que la transparence, la concurrence réelle et la protection du consommateur ne seront pas garanties, les Marocains continueront de suspecter que derrière le discours de la compétitivité se cache une rente déguisée qui étrangle leur pouvoir d’achat