Chouaib Sahnoun
Il préfère garder l’anonymat, mais son pseudonyme circule déjà dans toutes les rues : « Zéro Sabot ». Derrière ce nom, un citoyen ordinaire devenu figure populaire, qui a transformé son indignation personnelle en un acte de résistance collective
Tout a commencé une nuit banale, quand il découvrit sa voiture immobilisée par un sabot. Le responsable du service, injoignable, avait coupé son téléphone, le condamnant à un retard professionnel lourd de conséquences. Cet instant d’impuissance a déclenché chez lui une réflexion profonde : comment un simple outil administratif pouvait-il, en un claquement de doigts, priver un citoyen de sa liberté de circuler
De cette colère est née une idée : ne plus subir. Après plusieurs essais et erreurs, il réussit à retirer lui-même le sabot, puis perfectionna sa méthode. Quelques mois plus tard, il inventait une clé spéciale, capable de libérer une voiture en quelques secondes. Une invention artisanale devenue produit en série, rapidement adoptée à Rabat, Casablanca et bien au-delà
Ce qui distingue « Zéro Sabot », ce n’est pas seulement la ruse technique, mais la portée symbolique de son geste. Depuis des années, des automobilistes frustrés tentaient de bricoler des outils pour se libérer, mais aucun dispositif n’avait jamais connu une telle efficacité, ni une telle diffusion. En démocratisant cette échappatoire, il a ouvert une brèche dans le système économique des sociétés de parking, accusées par beaucoup de transformer l’espace public en guet-apens lucratif
Sur les réseaux sociaux, il fédère désormais une véritable communauté : 250 000 abonnés sur Facebook et 54 000 sur Instagram. Sa voix résonne comme celle d’un justicier urbain, dénonçant une pratique vécue par de nombreux citoyens comme une punition disproportionnée, arbitraire et parfois abusive
Car au-delà de la clé magique, son combat est d’abord humain : redonner aux automobilistes une dignité confisquée. Pour lui, le sabot n’est pas seulement un objet métallique, c’est un symbole d’entrave, de mépris institutionnel et de privation injuste de mobilité
Je refuse, dit-il, que l’on traite les citoyens comme des délinquants pour une simple place de stationnement
S’il reste dans l’ombre, « Zéro Sabot » assume sa mission : transformer une vengeance personnelle en une croisade collective. Dans une ville où chaque minute compte, il incarne une question que beaucoup se posent
jusqu’où la gestion de l’espace public peut-elle aller sans bafouer la liberté individuelle
