Chouaib Sahnoun
Un simple différend entre associés d’une société de pêche a mis au jour un scandale aux allures de polar, mêlant trafic de devises, contrebande et mise en danger de l’écosystème marin
Tout a commencé lorsqu’un navire fraîchement acquis effectuait d’étranges allers-retours entre le Maroc et l’Espagne, officiellement pour des opérations de maintenance. Mais les factures, faramineuses, atteignant plusieurs centaines de milliers d’euros, ont éveillé les soupçons de certains actionnaires. Décidés à tirer l’affaire au clair, ils ont découvert un système de fraude aussi sophistiqué qu’inquiétant
En collusion avec une société étrangère, les responsables gonflaient artificiellement les coûts de réparation des bateaux. Ces fausses factures, transmises à l’Office des changes, permettaient de justifier des transferts massifs de devises. Dans les faits, seule une petite partie de l’argent allait réellement à la maintenance. Le reste prenait la direction de comptes bancaires en Espagne et dans d’autres pays européens, alimentant un vaste réseau de blanchiment
Mais le stratagème ne s’arrêtait pas là. À chaque voyage, les mis en cause profitaient de la couverture offerte par les opérations maritimes pour introduire au Maroc des filets de pêche prohibés. Ces équipements, interdits car destructeurs pour la biodiversité marine, étaient ensuite revendus à prix d’or ,près de 250 dirhams le kilo ,à de petits armateurs, des pêcheurs traditionnels, mais aussi à des acteurs de la pêche illégale. Plusieurs tonnes de filets auraient ainsi inondé le marché noir, accentuant la menace qui pèse déjà sur les ressources halieutiques
Alertée par les associés lésés, la Brigade nationale de la police judiciaire a ouvert une enquête de grande envergure. Son objectif : démêler les ramifications d’un réseau qui, sous couvert de simples contrats de maintenance, a transformé un secteur vital pour le pays en véritable filière clandestine de fraude et de contrebande
